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TRIBUNE : Nos démocraties en question

La démocratie est-elle en péril en Afrique ? C’est la question que de nombreuses personnes se posent depuis la résurgence des coups d’Etat en Afrique. On avait cru cette épidémie réservée à l’Afrique de l’ouest, mais le Gabon vient d’entrer dans le club. Et l’argument que l’on utilise pour refuser de reconnaître certains des galonnés qui ont récemment pris le pouvoir, est qu’ils ont renversé des présidents démocratiquement élus. Démocratiquement élus ? Vraiment ?

Je crois que la vraie question que l’on doit se poser est de savoir si ce qui se pratiquait dans ces pays où les coups d’Etat ont eu lieu peut être appelé démocratie. Et si c’est le cas, qu’est-ce que cette démocratie a apporté aux populations ? Si l’on répond correctement à ces questions, l’on pourrait savoir où auront lieu les prochains coups d’Etat sans grand risque de se tromper. Je crois que dans nos pays, surtout d’Afrique francophone, la démocratie a été réduite à la simple élection que l’on qualifie de démocratique, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée. Et une fois cette élection dite démocratique acquise, la façon dont le pouvoir dit démocratique qui en est issu est exercé ne compte plus. Tant que ce président démocratiquement élu ne dérange pas certains intérêts et ne franchit pas certaines limites dans les abus des droits de l’homme, tout lui est pardonné. « On ne regarde pas dans la bouche du grilleur d’arachides », avait dit un grand sage de notre continent. Ainsi, Ali Bongo Ondimba venait d’être proclamé démocratiquement réélu lorsqu’il fut renversé quelques minutes plus tard. N’avait-il pas déjà été élu tout aussi démocratiquement à deux reprises ? Personne n’était dupe, mais nous étions tous hypocrites. Cette fois-ci, ce n’est pas passé, et étonnamment, peu de personne, y compris lui-même, n’insiste pour son retour au pouvoir. Aurait-il compris qu’il avait poussé le bouchon un peu trop loin, compte tenu de son état de santé ? Ou plutôt, a-t-il compris que l’on se servait de lui, que l’on commettait un abus de faiblesse sur lui comme certains l’avaient fait en Algérie avec le président Bouteflika ? Aujourd’hui tout le monde semble découvrir l’énormité des prévarications du clan Bongo. Les Gabonais eux, le savaient depuis longtemps et n’ignorent pas l’état dans lequel leur pays qui aurait pu être l’égal des émirats du Golfe était. 

Je crois que la démocratie, ou plutôt le mot démocratie, est l’un des nombreux moyens que certains ont trouvé pour s’accaparer le pouvoir, sans rien apporter aux populations. Que demandent ces dernières ? Que l’on améliore leurs conditions de vie, pas seulement au profit d’un seul clan, qu’elles vivent dans une relative sécurité, que l’on construise leurs pays, que leurs Etats ne soient pas leurs ennemis à travers toutes sortes de brimades, frustrations et privations, à travers tous les rackets qu’elles subissent de la part des fonctionnaires ou agents des forces de l’ordre, qu’elles puissent s’exprimer sans courir le risque de se retrouver en prison ou, pire, au cimetière...A la limite, lorsque tout cela leur est assuré, les populations se préoccupent peu de la façon dont les pouvoirs s’installent. N’est-ce pas ce qui explique que les populations acclament des putschistes dont elles ne savent absolument rien, mais dont elles savent au moins qu’ils viennent de balayer un pouvoir honni, même s’il a été élu « démocratiquement » ?

Lorsqu’un coup d’Etat survient, une des premières choses que l’on exige du nouveau pouvoir est qu’il organise au plus vite des élections démocratiques. Et d’énormes pressions sont exercées sur lui pour qu’il le fasse. Cette exigence est fondée, car l’on ne saurait s’accommoder de ce que n’importe quel quidam prenne le pouvoir avec les armes que le peuple lui a confiées pour assurer sa sécurité. Mais seulement, elle ne saurait suffire pour prévenir des coups d’Etat à venir. L’aspiration de tous les peuples est d’être dirigés par des personnes qu’elles auront choisies et en qui elles se reconnaîtront à travers toutes sortes de mécanismes. Mais surtout leurs aspirations principales sont celles que nous avons énumérées plus haut, à savoir, voir leur pays se construire afin que leurs conditions de vie s’améliorent, qu’elles vivent dans la sécurité.

Nous gagnerions tous à sortir des hypocrisies et commencer à bâtir de vrais systèmes démocratiques ou des vraies politiques de développement qui prennent réellement en compte les vrais désirs des populations.

Par Venance Konan

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