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TRIBUNE : Le droit du plus fort

Venance Konan
Venance Konan

J’ai passé huit longues années de ma vie à étudier le droit, dont quatre consacrées spécifiquement au droit international dans un institut spécialisé, l’Institut du Droit de la Paix et du développement (IDPD), à Nice en France. Qu’ai-je retenu de tous ces cours de droit international public, droit international privé, droit international du développement, droit international de la mer ? J’ai retenu que le droit, surtout le droit international, est essentiellement celui du plus fort. Tout le reste n’est qu’habillage. Et souvent, lorsque l’on est vraiment fort, on se passe d’habillage. C’est ce que la Russie vient de démontrer en attaquant l’Ukraine. Elle ne s’est pas encombrée d’arguments juridiques totalement inutiles. Elle a décidé de frapper pour des raisons qui lui sont propres, et elle l’a fait. Il y a quelques années, en 2003 plus précisément, les Etats Unis ont envahi l’Irak, arrêté Saddam Hussein, le président de ce pays et l’ont fait exécuter. Le prétexte était que l’Irak détenait des armes de destruction massive. En 2002, le secrétaire d’Etat des Etats Unis avait exhibé devant le Conseil de sécurité de l’ONU un produit censé être la preuve de la détention par l’Irak d’armes chimiques. La France, qui a le droit de véto au Conseil de sécurité des Nations Unies, s’était opposée à cette guerre, mais cela n’avait pas dissuadé les Etats Unis de la faire. Et l’Irak fut bombardé et envahi. Depuis la chute de Saddam Hussein, et l’occupation de son pays par les Etats Unis, malgré toutes les fouilles effectuées, personne n’a trouvé trace d’aucune arme de destruction massive. Les Etats Unis avaient tout simplement exercé leur droit du plus fort. A propos justement des Nations Unies, pourquoi certains Etats ont-ils le droit de véto, c’est-à-dire le droit d’imposer leur volonté à tous les pays du monde et d’autres ne l’ont pas ? C’est parce qu’ils sont les plus forts.

Cet état de fait n’est pas nouveau. Déjà le 7 juin 1494, un traité international fut signé à Tordesillas, en Castille, sous l’égide du pape Alexandre VI qui partageait le « nouveau monde », à savoir ce continent que l’on appela Amérique, entre les deux grandes puissances de l’époque, l’Espagne et le Portugal. Personne ne songea à demander l’avis des populations qui vivaient sur ces terres. Et de par ce traité, le contrôle des océans fut partagé entre l’Espagne et le Portugal. Les autres Etats européens qui n’avaient pas la puissance de ces deux pays durent avaler la couleuvre jusqu’à ce qu’ils deviennent eux aussi des puissances maritimes.

De même, en 1885, par la conférence de Berlin, les Etats européens qui en avaient le pouvoir se partagèrent l’Afrique, sans demander l’avis des Africains. Et jusqu’à ce jour nous vivons sous le joug des décisions sorties de cette conférence. Ainsi, l’essentiel des frontières qui séparent nos Etats actuellement sont-elles issues de cette conférence. L’Organisation de l’Unité Africaine, (OUA), mère de l’actuelle Union africaine avait érigé en principe sacro-saint le respect des frontières issues de la colonisation.

Il en est ainsi de nos jours dans les relations internationales. Il y a ce que certains pays peuvent se permettre, et ce que d’autres ne peuvent pas. Selon qu’ils sont puissants ou pays, selon qu’ils sont soutenus pas un pays puissant ou pas. Ainsi Israël peut-il piétiner toutes les résolutions des Nations Unies sans risque, parce que les Etats Unis le protègent et mettent leur véto à toute résolution qui ne plaît pas à l’Etat hébreux. Ainsi le Rwanda peut-il faire ce qu’il veut dans l’est de la République Démocratique du Congo, y compris des massacres de masse et tenir la dragée haute à la France, sans craindre quoi que ce soit, parce que les Etats Unis sont derrière lui. Ainsi le Mali se fait-il taper violemment sur les doigts lorsqu’il fait son coup d’Etat, pendant que le petit Idriss Déby, qui lui aussi est arrivé au pouvoir par la force de ses armes, est cajolé par le grand chef blanc patron des pays francophones d’Afrique, et que le putschiste de Guinée porte toujours ses lunettes noires sans qu’on ne le menace de quoi que ce soit. D’où l’utilité d’avoir été légionnaire dans l’armée française et d’avoir épousé une femme gendarme française lorsque l’on veut faire un coup d’Etat. N’est-ce pas un auteur français qui avait écrit que « la raison du plus fort est toujours la meilleure » ? Notre « foulosophe » à nous, Alpha Blondy, lui, a dit que « la démocratie du plus fort est toujours la meilleure ». Vladimir Poutine est en train d’imposer sa démocratie à l’Ukraine. Il l’avait déjà fait en Géorgie, en Tchétchénie, en Crimée. Il veut aussi l’imposer en Centrafrique et au Mali. Où s’arrêtera-t-il ? Lui seul sait où il va. Il s’arrêtera lorsqu’il sera arrivé à destination, ou lorsqu’une force supérieure à la sienne l’empêchera d’aller plus loin. 

Par Venance Konan

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