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TRIBUNE : L’âge du capitaine

Quel âge faut-il avoir pour être candidat au poste de président de la République en Côte d’Ivoire ? La Constitution de 2000 avait limité cet âge à 75 ans. Puis celle de 2016 a fait sauter cette limitation, permettant ainsi aux personnes âgées de plus 75 ans de pouvoir se présenter. M. Jean-Louis Billon, qui ne cache pas sa volonté d’être candidat à la prochaine élection présidentielle, vient de relancer le débat sur cet âge limite lors d’une récente interview qu’il a accordée à Radio France Internationale (RFI). Il a proposé que l’on revienne à cette limitation à 75 ans, tout en regrettant que « le monde politique ne connaisse pas la retraite. » Dans la foulée, RFI a organisé son débat « appels sur actualité » du mercredi sur cette question, et de nombreux Ivoiriens se sont prononcés. Parmi les arguments avancés pour ceux qui veulent une limitation d’âge, il y avait le fait que les trois leaders politiques visés par cette proposition de limitation que sont MM. Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, monopolisent la scène politique ivoirienne depuis plus de trente ans, la nécessité de rajeunir la classe politique, la nécessité de permettre à un jeune de diriger aussi le pays, le hiatus entre ces trois leaders et leur population qui est majoritairement composée de jeunes de moins de trente ans, etc.

Je crois pour ma part que le problème est mal posé. A écouter les arguments des uns et des autres, on a l’impression que seules les personnes âgées de plus 75 ans et plus ont le droit d’être candidats en Côte d’Ivoire. Or, rien n’interdit à un jeune de 35 ans de briguer la magistrature suprême. En 2020, Kouadio Konan Bertin dit KKB n’avait pas 75 ans, et il a bien pu se présenter à l’élection présidentielle. Rien n’empêche donc Monsieur Billon, ou n’importe qui d’autre, dans n’importe quel parti ou de manière indépendante, qui n’a pas 75 ans, mais a au moins 35 ans, de se présenter à l’élection présidentielle. La réalité est que le problème de M. Billon se trouve ailleurs. Il veut être le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Or dans ce parti, il y a un vieux crocodile qui ne parle pas beaucoup, mais qui sait comment croquer tous les jeunes poissons qui veulent contester son autorité dans son marigot. M. Billon sait que pour être le candidat du PDCI, son parti, il faut que M. Bédié dise qu’il n’est pas candidat lui-même, et veuille bien que lui, Billon le soit. Or, rien n’indique que le Sphinx de Daoukro ne se présentera pas à nouveau. Quitte à se désister au dernier moment lorsque plus personne dans son camp ne pourra présenter de candidature. Et Monsieur Billon sait qu’il ne peut pas affronter directement le vieux crocodile. Alors, il aimerait bien que ce soit la loi qui règle son problème. Mais cela ne doit pas être le rôle de la Constitution. On ne va pas changer de Constitution chaque fois que l’on ne veut plus de la tête de quelqu’un. Nous avons suffisamment souffert dans ce pays de ces Constitution taillées sur mesure pour écarter des personnes. 

Il appartient donc aux jeunes loups au sein des partis politiques, de trouver les moyens de mettre leurs vieux crocodiles à la retraite pour prendre leurs places, si tel est le désir des militants. Une fois ces problèmes réglés au sein des partis politiques, il appartiendra aux Ivoiriens de choisir entre ces jeunes loups et ceux que l’on appelle « les vieux ». Etant entendu que les Ivoiriens savent pertinemment que le fait d’être jeune n’est pas forcément un indicateur de compétence et de probité morale, et que dans certaines situations, il vaut mieux être dirigé par un « vieux » expérimenté, plutôt que par un jeune qui ne sait rien de la gestion d’un Etat. Il y a effectivement des jeunes incompétents, dictateurs, sanguinaires, malhonnêtes.

Dans l’émission de RFI, un auditeur a souligné le fait qu’un président très âgé n’a pas toujours la lucidité nécessaire pour diriger un Etat. Et il a cité l’exemple des gaffes à répétition et certains oublis du président américain Joe Biden. La question est intéressante. C’est justement pour cela qu’il y a des élections. Si les Ivoiriens estiment que tel candidat est visiblement trop fatigué par l’âge pour faire campagne, ou trop âgé pour avoir la clairvoyance que requiert la fonction de président, ils ne le voteront tout simplement pas. Accordons aux Ivoiriens cette sagesse qui leur permet de savoir si l’âge du capitaine peut permettre de les conduire à bon port ou non. 

Par Venance Konan

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