Communication Afrique Destinations

TRIBUNE : Les défis de Diomaye Faye

 

Le Sénégal vient d’opérer une vraie rupture en élisant à la présidence de la République Bassirou Diomaye Faye qui, onze jours avant le scrutin, croupissait encore en prison, et qui, quelques mois plus tôt, était parfaitement inconnu de la majorité des Sénégalais. Pourquoi donc la majorité des électeurs sénégalais a-t-elle porté ses voix sur lui ? Parce qu’elle voulait se débarrasser du pouvoir du président Macky Sall et de tout ce qui l’incarnait. Mais au-delà du pouvoir de M. Sall, c’est tout le système qu’il représente que ces électeurs voulaient voir quitter la scène politique sénégalaise. Le parti de M. Bassirou Diomaye Faye, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), se voulait le parti de la rupture, le parti anti-système. Son crédo, c’est la lutte contre la corruption, la mauvaise gouvernance, le panafricanisme, la souveraineté du Sénégal sur son destin. La victoire au premier tour de ce quasi inconnu, avec un tel écart de voix entre lui et ses adversaires montre l’ampleur du désir des Sénégalais de changer de cap, et des défis qu’il a à relever.

Le premier de ces défis, qui n’était pas prévu au programme, sera la gestion de ses relations avec son mentor, Ousmane Sonko. C’est effectivement parce que ce dernier, leader du parti Pastef et véritable idole des jeunes Sénégalais n’a pas pu se présenter à l’élection présidentielle, qu’il a demandé à Diomaye Faye, son second au sein de leur parti, de le remplacer. Et si ce dernier a été élu, c’est bien grâce à l’aura de Sonko. Comment les deux hommes gèreront-ils le pouvoir ? Quel poste Diomaye Faye poura-t-il donner à son leader pour ne pas passer pour un ingrat ? Premier ministre ? Vice-président ? Un grand ministère ? De nombreuses personnes ne manqueront pas de lui souffler à l’oreille que le pouvoir suprême ne se partage jamais, et qu’il n’y a toujours eu qu’un seul capitaine à bord d’un navire, surtout celui de l’Etat. Ousmane Sonko résistera-t-il longtemps à la tentation de faire savoir régulièrement à Bassirou Diomaye Faye et à tous les Sénégalais que c’est grâce à lui que son compère a accédé au pouvoir suprême, qu’il a envers lui une dette éternelle de reconnaissance ? Au Burkina Faso, on a vu de très proches amis s’entretuer pour le pouvoir. Au Niger, Mahamadou Issoufou avait cédé la place à son poulain Mohamed Bazoum lorsqu’il s’était trouvé dans l’incapacité de se porter à nouveau candidat à la présidence. Bazoum a été renversé par les militaires et de nombreux observateurs soupçonnent fortement Issoufou d’être la main qui a actionné les putschistes. En Afrique, un roi ne cohabite jamais avec celui qui l’a fait roi. Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye sont intelligents et connaissent certainement les sciences politique africaines. Souhaitons-leur de savoir comment gérer leurs relations à l’épreuve du pouvoir sans que l’on n’aille vers une crise.

Le second défi de Bassirou Diomaye Faye, et qui n’est pas le moindre, est celui de l’emploi des jeunes. Il n’ignore pas que la majorité des personnes qui l’ont élu sont des jeunes qui espèrent qu’il leur donnera du travail afin qu’ils ne soient plus obligés de s’embarquer sur des pirogues, au péril de leurs vies, pour aller chercher un avenir meilleur en Europe. Comment leur donner satisfaction ? Le parti de Bassirou Diomaye Faye a brigué le pouvoir pour lutter contre la corruption, mieux redistribuer les ressources du pays et donner du travail aux jeunes. Quel candidat à la présidence dans n’importe quel pays africain ne fait-il pas les mêmes promesses ? Le vrai défi est de pouvoir tenir ces promesses face à la réalité du pouvoir et des ressources réelles du pays.

Le dernier défi de Diomaye Faye sera celui de la rupture. Jusqu’où ira-t-elle ? Le Pastef se veut panafricain, souverainiste et de gauche. Le Sénégal de Diomaye Faye sera-t-il tenté par l’aventure des pays du Sahel que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger ? Ira-t-il jusqu’à rompre avec ses alliés traditionnels du monde occidental, à savoir la France et les Etats Unis, pour se mettre sous le parapluie de la Russie ? Restera-t-il dans la CEDEAO et dans la zone monétaire de l’UEMOA ?

Patience. Laissons Bassirou Diomaye Faye endosser son costume de président. Nous aurons le temps de savoir comment, et vers quels rivages il conduira son navire.

Par Venance Konan

 

Ajouter un commentaire

Le code langue du commentaire.

HTML restreint

  • Vous pouvez aligner les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
  • Vous pouvez légender les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
Communication Afrique Destinations