Dans ma chronique parue le mardi dernier, je déplorais le fait que nos chercheurs ne trouvaient jamais rien, parce qu’aucun moyen ne leur était donné pour faire de la recherche sérieuse. Des amis m’ont aussitôt interpellé pour me faire remarquer le Centre national de recherches agricoles (CNRA) avait déjà obtenu d’excellents résultats en améliorant les semences de cacao et d’huile de palme pour une meilleure productivité. Concernant l’huile de palme, il y a très longtemps de cela, un chercheur du CNRA m’avait expliqué que c’est de la Côte d’Ivoire qu’étaient partis les premiers grains de palme qui ont permis à la Malaisie de développer la culture d’huile de palme. Et aujourd’hui, cette plante est pour ce pays ce que le cacao est pour nous, ils en ont presque fait leur emblème national, mais surtout m’avait-il dit, ils ont des dizaines d’instituts de recherches dédiés au palmier, ce qui fait que le rendement de leurs plantations n’a rien à voir avec les nôtres.
Je voudrais donc rendre à césar ce qui est à césar et rendre aux chercheurs du CNRA l’hommage qu’ils méritent pour les progrès qu’ils ont fait réaliser à notre agriculture. Les résultats qu’ils ont obtenus montrent tout simplement que lorsque l’on indique à des chercheurs des domaines de recherche à mener et que des moyens leur sont donnés, ils peuvent obtenir des résultats. Cela veut dire que si l’on donne des moyens à des scientifiques africains afin qu’ils fassent des recherches sérieuses sur le paludisme, ou sur des machines à piler ou à remplacer les machettes et dabas, par exemple, ils pourraient obtenir des résultats. Ceci me conforte dans mon idée que si l’on orientait mieux les moyens destinés à la recherche scientifique sur notre continent, si nous regroupions nos forces, au lieu d’avoir des centaines de laboratoires sans moyens, juste pour dire que l’on fait aussi de la recherche, en sachant qu’aucun résultat ne pourrait sortir de ces laboratoires, nous aurons de fortes chances d’obtenir des résultats. Si des instances définissaient de manière claire par exemple nos priorités du moment en manière de recherche scientifique, si l’on donnait les moyens à des groupes de scientifiques de la région en leur assignant pour mission de trouver quelque chose au bout d’un certain temps, ne pensez-vous que l’on aurait des chances d’obtenir des résultats ? Tenez ! M. Marcel Amon-Tanoh vient de prendre la tête du Conseil de l’Entente, un organisme de coopération régionale regroupant la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, le Togo et le Bénin, et dont la majorité des habitants de ce pays ne savent pas exactement à quoi il sert. Et si on en faisait un instrument de coopération scientifique ?
Nous devons intégrer le fait que depuis toujours si l’on peut dire, l’Afrique est vue comme la terre de la misère, des fléaux, de la désolation, lorsqu’elle est aux mains des Africains. Africains qui sont vus comme de grands enfants, des éternels mendiants, des oisillons à qui il faut toujours donner la becquée comme l’a dit un Français sur une chaine de télévision de son pays, des êtres incapables de se prendre en charge tout seuls. Les seuls endroits qui marchent bien en Afrique sont ceux qui sont pris en charge par les Blancs, où les Noirs sont exclus des organes de décision. Que cela nous plaise ou non, c’est l’image que le reste du monde a de nous. Tout le reste n’est que flatterie intéressée. Et avouons que l’image n’est pas très loin de la réalité. Alors, soit cela nous plait d’avoir cette image qui nous convient bien, parce qu’au fond nous trouvons que ce n’est pas si désagréable d’être pris en charge par le reste de la communauté humaine et de se contenter des miettes qu’elle veut bien nous laisser, ou nous cherchons à retrouver notre dignité. Ce qui nous manque sur ce continent, ce ne sont point des personnes intelligentes, ni les ressources. Ce qui nous manque est une stratégie et une organisation. Nous nous sommes contentés des schémas que nous avons trouvés au moment de nos indépendances et nous n’avons pas fait beaucoup d’efforts pour les adapter à nos besoins réels. Il est temps de le faire. Il est temps pour nous de comprendre que le développement ne peut se faire sans recherche scientifique. Et nous ne pourrons rien obtenir si nous ne nous organisons pas autrement. Si nous ne développons pas de nouvelles stratégies. Nous devons totalement exclure de nos esprits l’idée que le développement nous sera donné de l’extérieur. Et nous ne devons surtout pas oublier que le rêve de certains Asiatiques et Européens est celui d’une Afrique sans Africains. Comme me le disait récemment un ami français, « au moment de la guerre froide, vous, les Africains, vous nous intéressiez parce que nous voulions vous convertir à nos idéologies politiques. Aujourd’hui, c’est ce qui est sous vos pieds, dans votre sous-sol, qui nous intéresse. Vous, vous pouvez disparaitre, on s’en fout. »
Par Venance Konan