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TRIBUNE - AFRIQUE : Les Réparations de la Colonisation en question

Le Président du Portugal, Marcelo Rebelo de Sousa.

En marge des commémorations du 25 avril, célébrant la Révolution des Œillets, le Président du Portugal, Marcelo Rebelo de Sousa, a jeté un gros pavé dans la marre. En ramant à contre-courant de ce que pense l’Occident, dans ce qu’il a d’anciennes puissances coloniales, mais aussi et surtout de son propre camp politique. En cette occasion, il a exprimé son souhait de voir le Portugal « payer les coûts » de ses crimes commis dans le cadre de la Colonisation. Le Président Marcelo Rebelo de Sousa, par ses déclarations, a suscité une levée de boucliers et de vives réactions dans son pays. Même le Premier ministre, Luis Montenegro, qui est du même bord politique que lui, le Parti social-démocrate, s’est immédiatement érigé contre sa profession de foi. Et de la chasser, comme une mouche importune, pour indiquer que ni son gouvernement ni ceux qui l’ont précédé ne vont « payer les coûts » dont a parlé le Président du Portugal.

Quant à Chega, le parti d’Extrême droite du Portugal, il a vertement fustigé les déclarations du Président Marcelo Rebelo de Sousa dans un communiqué à travers lequel il a fait savoir que lesdits propos sur la Colonisation « représentent sans aucun doute une trahison du peuple portugais et de son histoire ». Il ne fallait pas en effet s’attendre du contraire. Car c’est de cela que se nourrissent tous les populismes et tous les extrémismes. Par pur électoralisme et stéréotypes du passé.

Au-delà des critiques émotionnelles ou politiciennes à l’encontre du Président Marcelo Rebelo de Sousa, il ne faut pas croire qu’il s’agit d’une déclaration destinée à faire le buzz. Le parcours tant professionnel que politique de ce Juriste de formation, Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Lisbonne et Journaliste de renommée tout comme ses prises de positions personnelles, montrent bien qu’il est rarement du mauvais côté de l’Histoire. Mieux, il connaît très bien l’Histoire de la Colonisation et ses conséquences sur le Colonisé comme sur le Colonisateur. Lui, dont le père fut ministre et qui fut par la suite membre de l'Assemblée constituante en 1975 et prit part la rédaction de la Constitution de la Troisième République, après la Révolution des Œillets. Laquelle Révolution, orchestrée par de jeunes officiers, fut un coup d’Etat sans effusion de sang qui mit fin à 48 ans de dictature et 13 années de guerres coloniales.

En Afrique, la délicate et lancinante question des réparations des torts causés par les anciennes puissances coloniales aux populations et aux pays n’est pas un débat nouveau. Loin s’en faut. Mais mal mené et cela dans une tout aussi grande confusion que désunion, il n’a jamais été porté plus loin qu’à un simple débat parmi tant d’autres, lors même qu’il est tout aussi hautement et symboliquement important et pour les anciens colonisés et pour les anciens colonisateurs.

Comme je l’ai déjà souligné à maintes reprises, et récemment encore, dans une des Interview à moi accordée par Wonder Hagan du Site https://globalsouthworld.com/:

« Le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a absolument raison. Nous devons parler de réparations avec l’Occident pour beaucoup de choses. Mais pas seulement avec les anciens pays colonisateurs d’Europe. Nous devons faire la même chose avec les pays arabes, car les Arabes sont les premiers à asservir les Noirs. Il n'y a jamais eu de réparation. Pire encore, il n’y a même jamais eu d’excuses.

Je dois dire qu'avant le Président Nana Akufo-Addo, je me souviens que bien d'autres comme l'ancien Président du Nigeria, Olusegun Obasanjo et son ami et frère l'ancien Président du Bénin, Nicéphore Soglo, en avaient parlé. Aussi. Mais je vais vous dire la vérité, en tout cas c'est mon opinion, et je ne cesse de le dire : tant que les Pays d'Afrique Noire n'auront pas d'Union, de Ligue ou de Communauté - peu importe comment ils la font ou l'appellent-ils ne réussiront jamais dans ce combat. Je profite de cette occasion pour appeler une fois de plus nos chefs d’État et de gouvernement à une Union des pays d’Afrique Noire au-delà de leur adhésion à l’Union africaine. Le salut de l’Afrique Noire et de ses luttes pour ses peuples est à ce prix.

Et après, on pourra parler de ce qui est réparable ou non, ou de la manière de réparer les torts qu'a subis l'Afrique Noire. Et surtout comment l'Afrique Noire doit faire pour que cela ne lui arrive plus jamais... »

L'élite intellectuelle et politique ne doit guère s'y méprendre. La Colonisation de l'Afrique est comme un filon, au centre d'une gigantesque exploitation politicienne par des puissances dictatoriales étrangères, qui sont en guerre totale contre l'Occident et son modèle politique qu'est la Démocratie. Et cela au détriment des populations africaines elles-mêmes. Avec à la clé, l'objectif final de faire imposer à l'Afrique des régimes militaires ou civils tout aussi dictatoriaux qu'éloignés du respect de la volonté de leurs peuples. Bref par des valets locaux à leur solde tant sur le plan économique que politique, pour reprendre la rhétorique d'une certaine époque que les moins de quarante ans n'ont pas connue.

A l’heure où toutes les grandes puissances essaient de « Recoloniser » l’Afrique, le débat mérite bien d’être fait de manière sereine et responsable entre Africains d’une part et entre Africains et Occidentaux d’autre part. La Colonisation et la Néo-Colonisation ou la « Recolonisation » de l’Afrique étant devenus des enjeux que les grandes puissances actuelles du monde tentent décidément d’utiliser à leur grand avantage, selon que l’on est dans un camp ou dans l’autre, il est important de rester très vigilant quant aux diverses formes qu’elle prend aujourd’hui, voire de les criminaliser.

Dans le cadre de la Colonisation, il est bien trop facile pour les héritiers des anciennes puissances coloniales de balayer d’un revers de main la question des réparations pour tous les torts causés anciennes colonies d’Afrique. Et de dire qu’ils n’ont rien à voir avec le passé de leurs Ancêtres. Que tout ça, c’est du passé. Circulez, il n’y a rien à voir. Et de se contenter de leur tendre la main de la fraternité seulement en guise de « réparation ». Dans certains cas, même cette main tendue ne figure pas dans les agendas dès lors qu’il s’agit des Extrême droite qui essaiment en Europe aujourd’hui et qui font le jeu d’un certain nombre de Populistes ou d’Extrémistes d’Afrique qui prennent les autres pour des imbéciles tentent de présenter aux Africains des Néo-Colonisateurs comme les meilleurs alliés pour une nouvelle Afrique, celle qui est promise à la grande Renaissance africaine. De deux choses l’une : soit on a une profonde méconnaissance de l’Histoire récente de l’Afrique, soit on est totalement manipulé et consciemment aux services de ses manipulateurs sans vergogne. En somme, on est d’une irresponsabilité dangereuse et pour la Jeunesse africaine et pour l’Avenir de l’Afrique.

Comme le dit si bien un confrère et compatriote, Charles Migan, dans le cas d’espèce de la Gouvernance du Président Patrice Talon au Bénin: « L'État est une continuité ; il ne peut être géré en absence de mémoire. Les actes que posent les tenants du présent, engagent les garants du futur; comme s'imposent ceux des initiateurs du passé ». Notre célébrissime confrère et écrivain français, Edmond About, disait déjà la même chose d’une autre façon plus d'un siècle avant dans l’une de ses plus célèbres réflexions. A savoir que : « Nous sommes les héritiers de tous ceux qui sont morts, les associés de tous ceux qui vivent, providence de tous ceux qui naîtront ».

L’ancien Président du Burkina Faso, le Capitaine Thomas Sankara, avait surpris plus d’un par son mémorable discours d’Addis-Abeba aux travaux de la 25° Conférence au sommet des pays membres de l'OUA (devenue Union africaine) au cours duquel il avait longuement évoqué ce sujet des Réparations de la Colonisation. Mais après ce 29 Juillet 1987, il avait fait long feu. Certains chefs d’Etat le ressuscitant, de temps en temps, sans emporter ni l’adhésion ni l’enthousiasme général. Il est maintenant grand temps de s’y atteler et de concert avec les anciennes puissances coloniales pour trouver des points d’accord. Non pas pour solder ou oublier le passé, mais pour sinon effacer les rancoeurs des relations passées, du moins les apaiser pour écrire de nouvelles pages d’Histoire. Il appartient désormais aux chefs d’Etat et de Gouvernement d’Afrique de s’emparer de la question des Réparations par rapport aux dommages causés par la Colonisation à l’Afrique et de la traiter avec une vision prospective. Certes, l’Occident ne pourra jamais réparer vraiment les blessures faites par son passé Colonial, mais il peut être plus humain à l’égard de l’Afrique. Et c’est de cela qu’il est ici question.

Par Marcus Boni Teiga      

 

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