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Pourquoi les fédérations africaines n’aiment pas les entraîneurs africains

Le football africain a manifestement un problème avec les entraîneurs africains. Et il faut aller bien au-delà de l’insuffisance numérique des techniciens du continent jusque-là alléguée pour diagnostiquer ce problème. C’est à croire que les fédérations africaines de football ont une peur panique des Africains, sélectionneurs de football. Et pour cause…

Le football africain a manifestement un problème avec les entraîneurs africains. Et il faut aller bien au-delà de l’insuffisance numérique des techniciens du continent jusque-là alléguée pour diagnostiquer ce problème. C’est à croire que les fédérations africaines de football ont une peur panique des Africains, sélectionneurs de football. Et pour cause…

Les Africains, on les aime bien quand ils tapent seulement dans le ballon, ici en Afrique ou ailleurs en Europe. Mais pas quand ils sont sur le banc de touche, en train de donner des consignes de jeu, d’encadrer ou de hurler sur leurs joueurs en tant que coach. L’image n’est pas tout à fait exagérée ou caricaturale, surtout lorsqu’on sait que si les fédérations africaines de football ont peur de leur confier de telles responsabilités, ce n’est point à l’étranger qu’on leur en laissera l’honneur. Il y a quelques années, l’on évoquait l’insuffisance d’entraîneurs africains qualifiés. Un tel argument ne saurait continuer à prévaloir aujourd’hui avec le nombre de plus en plus grandissant de spécialistes originaires du continent.

On a beau dire que ce ne sont pas uniquement les pays africains qui font souvent appel à des techniciens occidentaux mais aussi d’autres pays où le football n’est pas une tradition, l’argument n’est plus recevable. Au demeurant, on ne saurait dire de nos jours que le football n’est pas une tradition pour les Africains. Même dans le hameau le plus reculé du continent, il y a un gamin qui joue au football. On peut même dire que le sport-roi est devenu pour le jeune africain ce que l’Awalé est pour l’Ancien ou le Vieux.

En vérité, il y a incontestablement des restes d’un certain complexe de colonisés qui font que les fédérations africaines préfèrent ceux qu’on appelle dans les milieux footballistique les « sorciers blancs ». Au détriment de leurs propres ressortissants. Même à compétences égales et pour un contrat encore moins cher que celui de l’expatrié. A cela, il faut ajouter la propension à l’opacité de certaines fédérations qui auront du mal à passer avec des nationaux ou des Africains. Les étrangers, eux, ne se mêlant pas de « ce qui ne les regardent pas ». Allez-y comprendre quelque chose…
Sur les 54 pays que compte actuellement l’Afrique, il est loisible de compter facilement les sélections nationales qui sont entraînées par un ressortissant du pays ou même un Africain, voire un Africain de la diaspora. Pourtant, les entraîneurs africains sont loin d’être incompétents. Voici un florilège de quelques sélectionneurs à avoir marqué les esprits des passionnés du ballon rond en Afrique, avec plus ou moins de fortune.

1 – Stephen Keshi
Né en 1962 à Lagos au Nigeria, Stephen Keshi fait partie des sélectionneurs africains qui ont eu beaucoup de chance en Afrique, pour ainsi dire. Mais il faut surtout lui reconnaître son professionnalisme. L’ancien joueur des Super Eagles du Nigeria a fait une brillante carrière en tant que joueur avant d’entamer celle d’entraîneur. Surnommé le « Big Boss » du temps déjà où il était défenseur central de l’équipe nigériane, il aura montré qu’il l’est aussi en tant qu’entraîneur en remportant la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2013 avec l’équipe du Nigeria. En ramenant ladite coupe dans son pays. Même s’il n’a pas réussi le même coup avec la Coupe du monde du Brésil 2014, il aura figuré au nombre des entraineurs africains à cette édition.
Stephen Keshi a commencé sa carrière avec la sélection nationale des Eperviers du Togo en qualifiant d’ailleurs l’équipe à la Coupe du monde 2006. A la suite du Togo, il sera nommé sélectionneur des Aigles du Mali en 2008 avant d’être limogé pour insuffisance de résultats à l’issue de la CAN 2010 en Angola. Il reste aujourd’hui l’un des entraineurs africains les plus prometteurs. Malheureusement, la lune de miel avec sa frédération n’aura pas duré longtemps. Il a été démis de ses fonctions pour cause de mauvais résultats dans le cadre de la préparation du Nigeria pour la CAN 2015.

2- James Kwesi Appiah
Le Ghanéen James Kwesi Appiah n’aura pas tenu longtemps à la tête de la sélection nationale. Nommé entraineur à la faveur de la Coupe du monde du Brésil 2014, il aura été victime des prestations de ses joueurs et des problèmes internes inhérents à la fédération ghanéenne. Né en juin 1960, l’international ghanéen qui a fait la quasi-totalité de sa carrière dans le Club Asante Kotoko de Koumassi a été sélectionneur de Black Meteors. Intérimaire depuis 2010, Appiah n’est devenu titulaire qu’en 2012 avec la préparation des Black Stars du Ghana à la Coupe du monde 2014. Un passage qui ne suffit pas au vainqueur des Jeux africains de 2011 avec son club pour prouver de quoi il est réellement capable, en raison des nombreuses difficultés qu’il a eues avec certains de ses joueurs.

3 – Sabri Lamouchi
Le Français d’origine tunisienne a quitté la sélection des Eléphants de Côte d’Ivoire au lendemain de la coupe du monde du Brésil 2014. L’ancien international français est né à Lyon, le 9 novembre 1971. Il fait partie de ces Africains de la diaspora qui a eu la chance de débuter sa carrière d’entraîneur en Afrique. Sa première mission était de qualifier la Côte d’Ivoire pour la Coupe du monde 2014, ce qu’il a réussi. Si pour le reste de la compétition, les prestations de la sélection ivoirienne ont été décevantes, Sabri Lamouchi en a tiré les conséquences. Et l’on devra suivre sa carrière dans les années à venir.

4 – Edmé Codjo
Le Béninois Edmé Codjo est l’un des rares entraîneurs africains à avoir effectué des allées et venues à la tête de la sélection nationale de son pays. Il fut d’abord appeler en 2008 pour prendre en main l’encadrement des Ecureuils du Bénin pour la qualification de la Coupe d’Afrique des Nations. Puis il la quittera pour revenir de 2011 à 2012. L’homme dont les compétences sont reconnues au-delà des frontières de son pays est pourtant loin d’être un prophète chez lui. Bien au contraire. Cela n’a guère empêché les Brésiliens de lui faire confiance quant à la sélection des jeunes béninois à former au Brésil récemment dans le cadre de la coopération entre les deux pays. Comme Stephen Keshi, il est l’un des sélectionneurs les plus prometteurs de sa génération.

5 – Yeo Martial
Vainqueur de la fameuse Coupe d’Afrique des Nations de 1992 au Sénégal comme joueur, Yeo Martial est né en janvier 1944. Il conduit Les Eléphants de Côte d’Ivoire à la CAN 2012, mais sans succès. On retrouvera Yeo Martial à la tête des Mena du Niger de 2002 à 2003, avant qu’il ne rentre au pays. Avec la création de l’Ecole de Formation Yeo Martial, l’ancien coéquipier de Gadji Celi fait une bonne reconversion dans la formation des jeunes. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il garde un oeil d’éléphant sur l’évolution de l’équipe nationale ivoirienne.

6- Badou Zaki
Le Marocain Badou Zaki est né à Sidi Kacem en 1959. Mémorable gardien de but de la sélection marocaine des Lions de l’Atlas, il est l’un de ceux qui ont à leur actif de nombreuses participations à des compétitions continentales et mondiales. De la grande révélation à la Coupe du monde de 1986, on le retrouvera successivement aux Coupes d’Afrique des Nations de 1980, 1986, 1988 et 1992.
Badou Zaki débute sa carrière d’entraîneur en 2002 à la tête de l’équipe nationale du Maroc. Après avoir été empêché par une douloureuse égalisation face à la Tunisie dans les dernières minutes de qualifier les Lions de l’Atlas au Mondial de 2006 en Allemagne, il rend son tablier. Après avoir hésité à reprendre du service à la tête de la sélection nationale pour la Coupe du monde de 2010, Badou Zaki a finalement accepté le poste dans le cadre de Coupe d’Afrique des Nations qui aura lieu au Maroc en 2015.

7 – Amara Traoré
Amara Traoré est né en 1965 à Saint-Louis au Sénégal. Sociétaire de plusieurs clubs en France, il doit sa réputation à l’épopée de cette fameuse équipe sénégalaise à la Coupe du monde de 2002 au Japon. Amara Traoré a le parcours typique de l’entraîneur africain. D’abord adjoint d’un autre sénégalais Abdoulaye Sarr de 2005 à2006. Ses bons résultats avec les clubs sénégalais ne lui ont pas permis de faire un parcours avec la sélection des Lions de la Terranga avec laquelle il a connu trois défaites pour trois matchs à la Coupe d’Afrique des Nations en 2012. Il sera donc limogé.

8 – Rabah Saâdane
Rabah Saâdane a vu le jour à Batna en 1946. Celui qui a été surnommé par ses compatriotes algériens le « Cheickh » (sage) est l’exemple type même dont devraient s’inspirer les fédérations africaines de football. Contrairement à beaucoup de footballeurs africains, Rabah Saâdane a passé toute sa carrière dans les clubs nationaux. Il n’a jamais joué ni en France ni ailleurs. C’est pourtant le champion toutes catégories confondues des entraîneurs africains. Et pour cause, le « Cheickh » conduit pour la première fois l’Algérie à une phase finale des Jeux olympiques en 1980. Et cela après avoir mené les Juniors à la Coupe du monde du Japon des moins de 20 ans. Il aura été entraîneur de l’équipe nationale d’Algérie plusieurs fois (1981-1982, 1984-1986, 1999, 2003-2004 et 2007) et mener les Fennecs d’Algérie à trois Coupes du monde (1982, 1986 et 2010). Qui dit mieux !

9 – Kalusha Bwalya
C’est à Mufulira que Kalusha Bwalya est né en 1963. L’international zambien est connu pour être le meilleur joueur de tous les temps de son pays. Ballon d’or africain pour France Football en 1988 et champion des Pays-Bas avec son équipe du PSV Eindhoven en 1991 et 1992. Rescapé – alors qu’il jouait avec son club aux Pays-Bas- du triste et terrible accident dans lequel l’équipe zambienne qui se rendait au Sénégal disparut en mer dans un accident d’avion le 27 avril 1993 au large du Gabon, Kalusha Bwalya devient capitane et entraîneur des Chipolopolo de Zambie. Celui que ses compatriotes ont surnommé « Great Kalu » (le Grand Kalu) aura finalement franchi le pas pour passer d’ex-sélectionneur à président de la Fédération zambienne de football.

Comme on peut s’en rendre compte en somme, les fédérations africaines de football ont beau avancer des raisons pour préférer des sélectionneurs étrangers au détriment des africains, il est aisé de les battre en brèches. Primo : l’Afrique ne connaît pas d’entraîneurs étrangers ayant eu la patience de faire éclore les talents et de les suivre jusqu’en équipe nationale, de la phase de minimes à seniors en passant par celle des juniors. Ce travail ingrat a souvent été malheureusement laissé aux sélectionneurs nationaux, les étrangers ne prenant le relais que lorsque les talents sont déjà détectés et même formés parfois. Secundo : si ceux que certains considèrent comme des « sorciers blancs » étaient si sorciers, il y a longtemps qu’ils auraient fait gagner la coupe du monde à une équipe africaine. Tertio : et c’est là que réside la vérité, les fédérations africaines n’ont pas la patience de construire des équipes, des minimes jusqu’aux seniors en passant par les juniors. Le Nigérian Stéphen Keshi qui a entraîné les sélections nationales du Togo, du Mali et qui entraine toujours celle de son pays a donc raison lorsqu’il déclarait ainsi dans le journal français L’Equipe : « En Afrique, il n’y a pas de place pour la patience : on perd deux matchs et c’est la fin du monde. Alors les gens se disent qu’ils vont se trouver un homme blanc avec des pouvoirs magiques qui, en deux semaines, va leur faire gagner la Coupe du monde ». Malheureusement pour les Africains, il n’y a pas de magie en football. On peut, du reste, le constater depuis qu’ils participent à la Coupe du monde. Il faut en tenir compte non pas seulement pour promouvoir des techniciens africains, mais surtout pour préparer en Afrique des équipes qui évoluent, et qui gagnent avec le temps.


Par Tcha Sakaro
 

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