Suivez-vous dans les détails la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) ? Si c’est le cas vous n’avez donc certainement pas raté l’épisode des tests Covid-19 de l’équipe des Comores. L’un des gardiens de but comoriens qui avait été dans un premier temps testé positif, s’est par la suite révélé négatif le matin du match contre le Cameroun. Et la Confédération africaine de football (CAF) a décidé d’appliquer son règlement qui dit que lorsqu’un individu auparavant positif au Covid-19 devient par la suite négatif, il doit être mis en quarantaine pendant cinq jours. De nombreuses personnes ont crié au scandale et à la tricherie éhontée, mais après vérification, il s’est avéré que le règlement de la CAF prescrit effectivement cela. Mais alors, pourquoi d’autres personnes ayant vécu la même situation ne se sont pas vu appliquer ce règlement ? s’est-on demandé. L’explication a été que dans les premiers cas, la CAF avait décidé d’être clémente. Mais dans le cas des Comores, elle a décidé d’appliquer le règlement à la lettre. Pourquoi ? C’est elle seule qui le sait.
Mon ami Mamane, qui fait des chroniques humoristiques sur RFI, a expliqué dans l’une d’elles que celui qui comprend la politique de la CAF pouvait se vanter de comprendre approximativement la politique africaine, et singulièrement celle de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Effectivement de nombreux activistes ont mis en parallèle la sévérité avec laquelle la CEDEAO aurait sanctionné le Mali, et sa mansuétude supposée à l’égard de certains autres, tels que la Guinée et la Côte d’Ivoire, lorsque leurs présidents se sont présentés pour un nouveau mandat, alors que selon ces activistes, ils ne le devraient pas. Et l’on assiste depuis quelques jours à une levée de boucliers d’une partie de l’opinion africaine contre l’Organisation d’intégration régionale. Il s’agit globalement de prétendus « panafricanistes », anti-français, anti-les chefs d’Etats francophones en postes, souverainistes, mais cependant pro-russes ou pro-chinois, auxquels s’ajoutent toute une armée de gens qui ne comprennent rien aux vrais enjeux, qui sont incapables de la moindre réflexion ou analyse, mais qui suivent ceux qui font le plus de bruit. C’est l’écrivain italien Umberto Eco, décédé en 2016, qui avait dit que « les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. » Les réseaux sociaux servent aussi à désinformer et surtout, à manipuler.
C’est peut-être nous qui ne le savons pas, mais les grandes puissances, qui n’ont pas d’amis, mais seulement des intérêts, sont engagées dans une grande guerre économique dont l’Afrique est l’un des terrains privilégiés. L’enjeu est bien entendu le contrôle de nos matières premières. Mais il y a aussi et surtout les terroristes, qui, même s’ils nous semblent très moyenâgeux dans leur approche de leur religion et même de la vie, savent par contre très bien utiliser les outils modernes de communication, et singulièrement, les réseaux sociaux. Leur objectif clairement affiché est de faire tomber nos Etats pour en prendre le contrôle. Dans cette guerre donc, les réseaux sociaux sont abondamment utilisés par eux pour recruter, désinformer, et manipuler les opinions. Et ils sont nombreux, ceux qui volontairement ou non, se sont laissés manipuler pour servir des intérêts qu’ils ignorent.
L’on a ainsi réussi à faire croire à une partie de l’opinion africaine que la CEDEAO est composée de chefs d’Etats irresponsables, qui ne se soucient guère de leurs peuples, parce qu’ils seraient aux ordres d’un maître, toujours le même, la France, l’ennemi des djihadistes du Sahel. La CEDEAO, ne l’oublions pas, ce sont quinze Etats, dont cinq anglophones, à savoir le Nigeria, le Ghana, le Libéria, la Sierra Leone, la Gambie, deux lusophones, la Guinée Bissau et le Cap-Vert, et huit francophones. Ce sont autant de pays dirigés par des chefs que l’on peut ne pas aimer, mais qui sont tout sauf des inconscients insensibles devant le sort de leurs populations. La CEDEAO, ce sont aussi des textes et des principes librement acceptés par ses membres. L’on reproche à la CEDEAO d’avoir sanctionné durement le Mali ? Faut-il être aveugle ou manipulé à un tel point pour ne pas voir que des militaires qui ont violé l’ordre constitutionnel de leur pays veulent s’accaparer en toute illégalité du pouvoir sans avoir démontré qu’ils ont la capacité de l’exercer ? L’on accuse la CEDEAO de n’avoir rien dit lorsque des Chefs d’Etats ont modifié leurs constitutions, ou ont été autorisés par leurs Conseils constitutionnels à se présenter à l’élection présidentielle ? Rien dans les textes ou les principes de la CEDEAO ne lui permet de se prononcer sur les décisions des Conseils constitutionnels des Etats membres. D’autre part, les textes de l’organisation interdisent à ses membres de modifier une constitution six mois avant un scrutin. La CEDEAO ne peut agir si cette modification a lieu avant ces six mois. Dans quel cas l’Organisation a-t-elle donc violé ses textes ou ses principes ?
Nous devons tous faire très attention à ne pas être traités comme des enfants, ou plutôt à ne pas nous comporter comme des enfants incapables de prendre de la hauteur et avoir du discernement.
Par Venance Konan