Communication Afrique Destinations

EDITORIAL BURKINA FASO : Les erreurs des premiers pas de la junte militaire au Pouvoir

Marcus Boni Teiga
Marcus Boni Teiga

Si l’observateur ou l’analyste bien averti pouvait se douter qu’un coup d’Etat était en préparation contre le Président Roch Marc Christian Kaboré, rien ne permettait cependant de le justifier. Outre des manifestations contre le régime à forts relents anti-français et manifestement pro-russes ou encore les appels de certains opposants à peine voilés au coup d’Etat. Et ce qu’il fallait craindre finit par arriver le 24 janvier 2022.

Le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba soutenu par certains de ses frères d’armes ont décidé de franchir le rubicon, en perpétrant le coup de force que certains appelaient depuis longtemps déjà de tous leurs vœux. Pour diverses raisons. Mais elles sont toutes discutables. Soit.

S’il appartient au peuple burkinabè de décider souverainement de sa destinée, c’est à travers une élection démocratique propice à l’expression de l’ensemble de ses composantes. L’Armée, composante de vigie quoique fondamentale, ne saurait se substituer en aucune manière à la volonté du peuple, le seul Souverain en la matière. Il convient donc autant pour les Burkinabè que les Ouest-Africains de rester très prudents vis-à-vis de la nouvelle junte militaire au pouvoir à Ouagadougou au Burkina Faso. Surtout après celles du Mali et de la Guinée. Attendre de connaître son agenda et de savoir comment elle entend le mettre en œuvre jusqu’à l’avènement du nouveau Président démocratiquement élu, c’est désormais la feuille de route qui importe. Car ce n’est pas parce que le Président Roch Marc Christian Kaboré a été déchu que c’est ipso facto la fin de l’insécurité ou du terrorisme. Faut-il le rappeler, quel que soit le Président que les Burkinabè mettront au pouvoir, si l’Armée ne règle pas ses problèmes internes pour mieux faire face aux nouveaux défis sécuritaires au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce ne serait pas le dernier coup d’Etat. Loin s’en faut ! A dire vrai, les problèmes sécuritaires au Burkina Faso ont été aggravés par les problèmes internes de l’Armée depuis la chute de l’ex-Président Blaise Compaoré en 2014.

Dans sa chronique sur RFI, Burkina: en attendant les miracles…, l’éditorialiste Jean-Baptiste Placca a raison lorsqu’il dit : « Nous y voilà ! C’est leur outil de travail, qu’ils jugent insuffisant, pour vaincre l’ennemi, mais si efficace, pour déloger un chef d’État du pouvoir. La plupart des peuples ont déjà donné ! En une soixantaine d’années d’indépendance, nombre de pays africains ont été dirigés, en moyenne, plus de trente ans par les militaires, sans apporter, partout, la prospérité, la liberté, la démocratie, ou simplement la protection aux populations. Le Burkina, en soixante-et-un ans d’indépendance, a été sous le joug des militaires pendant au moins quarante-sept ans ! Depuis 1960, en dehors des intérimaires, il a connu cinq présidents militaires, contre… deux civils !

Il ne faut pas que les condamnations venues de l’extérieur deviennent une diversion, pour oublier de se concentrer sur le génie par lequel les militaires, si loin du front, entendent faire merveille, au palais présidentiel. C’est si facile de s’emparer du pouvoir, avant de commencer à réfléchir, ou d'improviser sur ce que l’on entend en faire ».

Les militaires burkinabè qui ont renversé le Président Roch Christian Marc Kaboré ont appelé leur mouvement « Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) ». Mais de quoi ? Ce nom – il faut bien le dire - sonne creux, reste incomplet et il faudrait bien préciser de quelle « Sauvegarde » et « Restauration » par une nouvelle épithète à Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration. Comme par exemple Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration de la paix (MPSRP) ou Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration de la démocratie (MPSRD)...En tout cas, la précision est nécessaire. Qu’on le veuille ou non, il s’agit là d’une première à corriger. D’autant plus qu’on peut déjà lire çà et là, dans les médias, des complétions du nom qui ne sont nullement la paternité des putschistes. A l’instar de Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration du Burkina Faso (MPSRBF). Si l’on peut « Sauvegarder » le Burkina Faso avec la junte militaire, en revanche on ne saurait le « Restaurer » et cela peut paraître par trop prétentieux de porter un tel message. Le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, président du MPSR et ses hommes devraient donc revoir leur copie pour donner plus de lisibilité et de clarté à leur nom. Cela pourrait paraître anodin à première vue, mais il n’en est rien du tout. Au contraire, c’est même essentiel ! Sans être Académicien, ne serait-ce que pour être en cohérence avec la langue de Molière et compréhensible, on ne saurait fermer les yeux sur l’énoncé dudit nom.

Dans le Communiqué final qui a sanctionné le sommet virtuel des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO le vendredi 28 janvier dernier, il est clairement mentionné que : « Le coup de force au Burkina Faso a été effectué en faisant en sorte d’obtenir sous la contrainte la démission du Président Roch Marc Christian Kaboré ». Mais c’est moins la manière par laquelle le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et ses hommes ont obtenu la démission du Président Roch Marc Christian Kaboré que la façon dont ils ont fait fuiter le document sur les réseaux sociaux qui constitue la pire des erreurs. Et l’on peut même parler, toutes proportions gardées, d’humiliation du Président Roch Marc Christian Kaboré par cette méthode. Même la lettre de démission de Feu le Président Ibrahim Boubakar Keita (IBK) du Mali n’avait pas connu un tel traitement aussi dégradant qui ne dit pas son nom. Qu’à cela ne tienne, l’on verra dans les prochains mois si le Président Paul-Henri Sandaogo Damiba et ses compagnons d’armes apprécieraient de voir ainsi circuler les documents afférents à leur gestion sur les réseaux sociaux. Lesquels sont presque devenus, avec les coups d’Etat au Mali et en Guinée, des espèces d’appendices de Parlements nationaux à vocation d’Inquisition contre ceux qui sont hostiles à leur volonté de s’éterniser au Pouvoir, sous couvert de discours populistes sur le Panafricanisme ou la Souveraineté.
Voilà, de mon point de vue, susmentionnées les premières erreurs de la junte militaire du Burkina Faso dont elles va devoir faire oublier les traces au plus vite. Peut-être, en faisant recours au Mogho Naba. Les Burkinabè ont encore cette chance, à comparer à bien d’autres pays africains, d’avoir toujours ce dernier recours quand plus rien ne semble aller entre eux. Car ce n’est pas parce que le Président Roch Marc Christian Kaboré a été déchu que son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) est banni, voire mort. Il faut toujours savoir raison garder et avoir l’œil rivé sur l’avenir lorsqu’on pose des actes, par-dessus tout, dans le domaine public. A bon entendeur, salut !

Par Marcus Boni Teiga
 

Ajouter un commentaire

Le code langue du commentaire.

HTML restreint

  • Vous pouvez aligner les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
  • Vous pouvez légender les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
Communication Afrique Destinations