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TRIBUNE : Comment naît une dictature ?

Venance KONAN

Un militaire, pas forcément le plus brillant, mettons un jeune capitaine, prend le pouvoir dans un pays, en faisant croire que les vilains Français veulent installer un homme à leur botte. Le bon peuple, furieux, sort alors en brandissant des drapeaux russes sortis d’on ne sait où, et le jeune capitaine s’installe. Il promet de rétablir la démocratie bafouée par ses prédécesseurs, de bouter les terroristes hors du pays, de mettre fin au néocolonialisme, à la Françafrique, à la corruption, au tribalisme etc… prend quelques mesures populistes genre « je baisse les salaires des ministres, et je me contente de ma solde de militaire », et le tour est joué. Il s’installe confortablement dans le fauteuil, et commence par fermer la bouche à tous ceux qui osent le critiquer et lui demander des comptes. Les médias étrangers sont difficiles à contrôler ? On les interdit. C’est tout simple. La France s’émeut ? On vire son ambassadeur. La Communauté économiques des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) dont on est membre impose des sanctions comme c’est prévu dans les textes et veut fourrer son nez dans ses affaires ? On la quitte avec effet immédiat. On accuse les voisins qui eux, sont préoccupés par leur développement, de tous les maux et le peuple est content. La lutte contre le terrorisme ressemble à un massacre des populations civiles, enfants compris ? Si vous le dites c’est que vous êtes contre la patrie. Les journalistes locaux ? Au pas. Les leaders politiques ? Au pas. La société civile ? Au pas tout le monde ! Garde à vous ! Gare à vous ! Désormais, c’est la patrie ou la mort. Comprenez bien. La patrie, c’est lui. Lui, le chef suprême, le « caudillo », le « lider maximo », le guide éclairé, celui qui sait tout, qui peut tout et qui fait tout. Partir un jour du pouvoir ? « Je veux bien, mon cher ami. Mais voyez vous-même tout ce qu’il y a à faire ! Partir c’est abandonner le pauvre peuple. Et cela, je ne le pourrai jamais. » Ceux qui critiquent sont des traîtres à la patrie. Logique, puisque la patrie, c’est lui. Tiens, Tiens ! Je sais comment je vais les traiter, ces traîtres. 

M. Ablassé Ouaédraogo qui m’honore de son amitié fut pendant de longues années le ministre des Affaires étrangères du président Blaise Compaoré. Puis il fut pendant d’autres longues années le directeur général adjoint de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Puis il revint dans son pays pour créer un parti politique, « Le Faso Autrement ». Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, il osait dire à haute voix ce qu’il pensait de leur gestion du pays. Cela a déplu. Alors il a été arrêté le 24 décembre dernier et emmené vers une destination inconnue, et depuis, ses proches étaient sans nouvelles de lui. Le dimanche dernier, des photos et une vidéo de lui ont été publiées, le présentant comme étant eu front, en train de participer à la lutte contre les terroristes. On le voit en treillis, en train de manœuvrer, une mitraillette à la main. Il se trouvait en compagnie d’Issiaka Ouédraogo, président du Conseil d’information et de suivi des actions gouvernementales, et du docteur Daouda Diallo, secrétaire général du collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés. Comme Ablassé Ouédraogo, ils avaient eu le tort de ne pas avoir la langue dans leur poche et de dire ce qu’ils pensaient de la façon dont ils étaient gouvernés. Comme lui, ils avaient été enlevés et leurs proches n’avaient aucune nouvelle d’eux.

Ablassé Ouédraogo a plus de 70 ans. Même dans les pires dictatures connues aujourd’hui dans ce monde, on n’envoie jamais un homme de 70 ans faire la guerre. Au Burkina Faso, quelqu’un a enfilé les habits de Thomas Sankara et prétend faire une révolution. Mais les habits sont visiblement trop grands pour lui et il est tout simplement en train de donner naissance à une féroce dictature. 
Ayons une pensée pour le Burkina Faso et pour nos frère Burkinabè qui vivent désormais dans la terreur produite à la fois par les djihadistes et par les militaires au pouvoir.

Par Venance Konan

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