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TRIBUNE : Ne surtout pas oublier

Le président français Emmanuel Macron a commémoré le dimanche 17 juillet dernier le 80ème anniversaire de la « Rafle du Vel d’Hiv », en inaugurant un nouveau lieu de mémoire dans l’ancienne gare de Pithiviers, d’où sont partis huit convois pour Auschwitz-Birkenau. Un petit rappel pour ceux qui ne connaissent pas bien l’histoire de la France. Les 16 et 17 juillet 1942, quelques 13152 personnes, composées de 4115 enfants, 5919 femmes et 3118 hommes, furent arrêtées et parquées par des policiers français au Vélodrome d’hiver appelé Vel d’Hiv, dans des conditions d’hygiène déplorables et presque sans eau ni nourriture pendant cinq jours, avant d’être envoyées par train vers les camps d’extermination où elles seront presque toutes tuées. Moins d’une centaine d’adultes sortiront vivantes de ces camps de la mort. Le seul crime de toutes ces personnes était d’être juives. Et les policiers français avaient agi à la demande des autorités allemandes qui occupaient la France à cette époque avec l’accord du gouvernement français. En 1995, le président français Jacques Chirac a reconnu la responsabilité de la France dans cette rafle et généralement dans la persécution des juifs pendant l’Occupation. 

80 ans après, la France ne veut pas oublier ce sombre passé. Tout comme elle ne veut rien oublier de toute son histoire, de ses heures les plus brillantes aux moins glorieuses. En commémorant cet anniversaire, le président de la France ne cherche nullement à réveiller de vieilles rancœurs ou haines contre l’Allemagne ou sa propre police. Non. Il veut simplement que ce fait de l’histoire de son pays ne soit pas oublié, aussi peu glorieux soit-il. Il veut que les générations actuelles et à venir connaissent cette partie de leur histoire et ne l’oublient pas. Parce qu’il sait que le présent et l’avenir se construisent en s’appuyant sur le passé. Ne dit-on pas que celui qui ne connaît pas son histoire se condamne à la revivre ?

J’ai du mal à comprendre que nous, Africains, nous qui sommes pour le moment les derniers de la classe, mais qui croyons que l’histoire de l’humanité commence chez nous, et que c’est nous qui allons modeler l’avenir de cette humanité, nous nous obstinions à vouloir effacer notre histoire de nos mémoires. Nous fonctionnons comme quelqu’un qui travaille sur son ordinateur et qui en efface la mémoire dès qu’elle est pleine, au lieu de stocker les données qu’elle contient sur un autre support. Les archives existent rarement dans nos pays, et lorsqu’elles existent, elles sont si mal tenues qu’il est difficile de les utiliser de manière efficiente. Je me souviens des jours qui ont suivi le décès d’Houphouët-Boigny, notre premier président qui avait régné sur notre pays pendant au moins 33 ans et qui avait été filmé sous toutes les coutures, pratiquement jour après jour. Le seul document d’archives qui fut diffusé en boucle par notre télévision après son décès fut une interview qu’il avait accordée à une chaîne de télévision française. L’explication que me fut donnée lorsque je posai la question à des amis de notre télévision fut qu’il n’y avait plus d’archives. J’ai plusieurs fois rappelé ici que nous commençons à oublier le président Houphouët-Boigny et ses compagnons qui ont combattu avec lui pour notre indépendance et pour la construction de notre jeune nation. Que ses successeurs ne se fassent pas d’illusions. Ils seront aussi oubliés un jour si rien n’est fait aujourd’hui. Concernant la colonisation et l’esclavage que connurent nos parents et bon nombre d’entre nous, ils sont totalement effacés de notre histoire et de nos mémoires. Nos amis Français, qui sont pourtant si soucieux de la préservation de leurs mémoires, sont les premiers à nous conseiller de ne pas « remuer le couteau dans la plaie », et d’oublier ce passé douloureux pour regarder plutôt l’avenir. Conserver son histoire, ne pas l’oublier, n’empêche pas de regarder l’avenir. Paris n’est-elle pas la ville-musée par excellence compte tenu du nombre de musées que l’on y trouve ? Je comprends parfaitement que nos amis français n’aient pas envie que l’on rappelle certains aspects de notre histoire parce que leur pays y a joué un rôle exécrable, mais je crois que notre amitié se renforcera davantage lorsque nous nous serons dit toutes les vérités, et que nous aurons établi nos parts respectives de responsabilités dans cette histoire. Pendant la seconde guerre mondiale l’Etat allemand avait tenté d’exterminer tous les Juifs vivant en Europe. Aujourd’hui l’Etat juif d’Israël ne considère pas pour autant l’Allemagne comme un Etat ennemi. Lorsque l’on refuse d’ouvrir sereinement les pages de l’histoire, parfois la violence nous y contraint.

Par Venance Konan


 

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