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TOURISME/OUGANDA : Rendez-vous avec les gorilles de montagne

Les gorilles de montagne sont une espèce rare qu’on ne trouve que dans quelques pays d’Afrique du Centre et de l’Est, notamment l’Ouganda, le Rwanda, la République démocratique du Congo. Et leur comportement rappelle étrangement celui de l’homme.

1er décembre 2010. Nous sommes arrivés en Ouganda par l’aéroport international d’Entebbe via le Kenya quelques jours plus tôt avant le groupe de visiteurs venant de France que nous devons y rejoindre pour aller au pays des gorilles de montagne. Histoire, pour moi, de couvrir la campagne électorale pour la présidentielle qui bat son plein et de découvrir l’Ouganda autrement.

Dès mon arrivée à Entebbe, c’est le nom d’Idi Amin et le raid d’Entebbe mené par l’armée israélienne qui s’imposent à mon esprit. Ancienne capitale du pays du temps de l’ubuesque dictateur et anthropophage Idi Amin Dada, je n’ai pas de mal à voir l’ancien aéroport qui fut le théâtre des opérations. De ce fameux raid sont nés un livre et un film: Raid sur Entebbe  que j’ai lu et regardé, avec passion.

Pour la petite histoire, le 27 juin 1976, un avion d’Air France en provenance de Tel-Aviv en Israël avec à son bord 244 passagers à destination de Paris est détourné en plein vol. Les preneurs d’otages sont deux membres du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et deux Allemands, en l’occurrence Brigitte Kuhlman et Wilfied Böse de la bande à Bader ou Fraction armée rouge.

Après une escale à Benghazi en Libye pour se réapprovisionner en carburant, il redécolle pour atterrir finalement à Entebbe. Les terroristes libèrent certains passagers mais gardent les Juifs. Ils exigent la libération de quatre Palestiniens détenus en Israël et de treize autres prisonniers en Allemagne, en France, en Suisse et au Kenya.

L’armée israélienne monte alors une opération pour libérer les otages. Un commando composé d’une centaine d’éléments débarque à l’aéroport à bord d’un  Hercule C-130 dans lequel se trouvent une Mercedès et une Land Rover similaires à celles avec lesquelles le président Idi Amin va voir les otages. Il embrouille tout le monde à l’aéroport et libère les otages. Seul le colonel Jonathan Netanyahou qui est le frère de l’actuel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est tué au cours de l’opération, tandis qu’il veut s’assurer que tout le monde est bien dans l’avion pour Israël. Il devient ainsi le héros du Raid sur Entebbe. Mais quarante-cinq personnes sont tuées du côté ougandais.

Entebbe est une petite ville fort sympathique. C’est le genre de ville à dimension humaine que j’aime bien. Ici, on circule à gauche. Ses rues principales sont bordées d’arbres. Elle dispose d’un jardin botanique et d’un musée. Située à une trentaine de kilomètres de Kampala, la capitale du pays, elle est au bord du lac Victoria.

2 décembre. Par ces temps de campagne électorale, la ville d’Entebbe tout comme celles du reste du pays sont pavoisées par des affiches des différents candidats. Le pays a en effet choisi la politique de l’économie en organisant trois élections à la fois, à savoir les municipales, les législatives et la présidentielle. Yoweri Museveni qui est au pouvoir depuis 1986 est candidat à sa propre succession. Mais ses opposants veulent y croire aussi. On trouve ainsi à Entebbe les affiches de Dr Kizza Besigye, Olara Otunu, Mme Olive Beti  Kamya, Dr Abed Bwanika, me Norbert Mao, Jaberi Bidandi Ssali, Gideon Tugume, Drake Lebunya, Samuel Lubega.

L’Ouganda constitue une base arrière pour la Mission de l’Union africaine-Nations unies au Darfour (MINUAD). La présence visible du personnel militaire et civil ne passe pas inaperçu. Les vols entre Entebbe et El Fasher sont réguliers. Un de mes anciens condisciples et ami du Collège Père Aupiais de Cotonou, Marcel Carlos Akpovo, y travaille d’ailleurs pour le compte du bureau des droits de l’homme de l’ONU de Kampala. Il est absent, en mission au Darfour, mais me demande au téléphone de passer voir son épouse que je connais, du reste. Puisqu’elle est passée par La Gazette du Golfe où j’ai fait mes débuts, peu avant que je ne quitte ce journal.

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3 décembre.  Pour la première fois, je quitte Entebbe pour Kampala. En passant d’un relief plus ou moins plat à un relief accidenté, avec çà et là au bord de la route, des maisons à flanc de collines. Kampala est en panne d’espace. Autant la circulation est dense et encombrée, autant la ville est coincée et populeuse. Dans le tohu-bohu de la capitale ougandaise, la pollution est semblable à celle de bien des capitales africaines.
Quand j’arrive au cœur de Kampala, non loin de la résidence de mon ami, je décide d’attendre son épouse qui doit venir me chercher dans un bar restaurant. A ma grande surprise, les gardes à l’entrée demandent à fouiller mon sac et me font passer par un portique de contrôle. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur que je comprends pourquoi. Je découvre alors une plaque commémorative sur laquelle est écrit : « In memory of all victims of the bomb blast who died here on 11th  July, 2010 “We will never forget”. Des intégristes y ont mené un attentat à la bombe en représailles à l’engagement du gouvernement ougandais dans la lutte contre le terrorisme notamment en Somalie, où le pays compte une présence militaire au côté du gouvernement de transition.

En quittant Kampala, je fais un crochet d’abord au marché artisanal avant de retourner à Entebbe. Différents objets d’art, de tissus sont vendus dans les boutiques. L’Ouganda profite en effet de ses nombreuses potentialités touristiques pour développer son artisanat et créer des opportunités d’emploi dans ce secteur.

4 décembre.  Je choisis de visiter des reptiles. Une enseigne située au bord de la voie qui mène à Kampala indique la direction à suivre. C’est une piste. Elle s’enfonce sous de grands arbres et à travers une végétation luxuriante. Mais la piste est défoncée et il faut tanguer sur plusieurs kilomètres, traverser des quartiers isolés, et parfois demander sa route. Au bout d’une demi-heure, me voilà enfin devant un modeste bâtiment dont l’entrée en paillotte indique que je suis au lieu dit : Uganda reptiles Village.

Passé la porte, la case aux serpents s’offre à mes yeux. Dans chaque case, des serpents : vipères, pythons, cobras, etc. Mais il n’y a pas que des serpents. Il y a aussi des tortues, des caméléons, des varans. Le centre donne sur un bas-fonds qui communique avec une rivière où sont plantés des palmiers. Après la visite, je m’installe au bar pour me désaltérer avant de repartir.

5 décembre.  Le reste du groupe arrive de Paris vers 14 heures à l’aéroport international d’Entebbe. Pour visiter les gorilles de montagne, il faut s’y prendre longtemps à l’avance et obtenir une autorisation spéciale, tant ils font l’objet d’une protection rigoureuse. Cela nécessite une organisation.
Je quitte donc Entebbe avec l’équipe de visiteurs et nous prenons la route en direction des montagnes aux confins des frontières du Rwanda, de la République démocratique du Congo et de l’Ouganda. En raison des embouteillages à Kampala, le chauffeur et guide touristique, David Baluku, décide de contourner la capitale en empruntant une piste qui se trouve être un raccourci aussi. Après Kampala, nous reprenons la voie bitumée mais pour quelques kilomètres seulement. La voie dégradée est en travaux comme nous pouvons le constater. Des engins des travaux publics qui bordent la voie sont en marche. Nous découvrons une route de terre rouge particulièrement poussiéreuse et bordée de part et d’autre par une forêt de papyrus sur une bonne distance. Il y a beaucoup de marais en effet.

Par moments, le chauffeur est contraint de rouler sur le bas côté. Tellement la voie est dégradée à cet endroit. Notre première halte, nous la marquons sur la ligne de démarcation entre l’hémisphère Sud et l’hémisphère Nord : l’Equateur. Puis, nous poursuivons notre voyage jusqu’à Massaka. C’est l’hôtel Brovad qui nous accueille pour la nuit.

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6 décembre.  Nous partons de Massaka de bonne heure, aux premières lueurs du jour. A la station où nous faisons le plein d’essence, des oiseaux marabouts coiffent le toit d’un arbre, on dirait un parapluie. D’autres paradent nonchalamment dans les jardins environnants. Je garde sur moi mon appareil photographique et fait des photos. A la sortie de la ville nous bifurquons à gauche pour aller observer des oiseaux dans un marais qu’un pont enjambe. De retour, nous allons voir les pièges à sauterelles. Ce sont des tôles érigées au sol ou sur le toit des maisons où ils mettent des ampoules électriques pour les attirer et des récipients en bas pour les récupérer quand ils tombent. Paradoxe : les maisons sont moins éclairées que les nombreux sites des pièges à sauterelles. Dans cette région, les gens en raffolent. Une fois le tour du site effectué, nous continuons le voyage. 
La route  qui part de Massaka pour Mbarara est en chantier. Mais à partir de Massaka, nous commençons à monter en hauteur. La route ne monte pas seulement, elle tournicote aussi. Le tronçon est néanmoins en bon état.

Tout au long, de fabuleux paysages de montagnes, de plantations de thé, de bananeraie, de forêts de bambou, de lacs et de villages hauts perchés défilent. Aucun versant de montagne ou de colline n’est laissé en friche. Partout, il y a des cultures en terrasse. Pour un pays d’une superficie de 236.040 Km2 dont 44 000 Km2 de lacs et cours d’eau et d’une population de 33 millions 425 mille habitants, on comprend pourquoi. Aux forêts artificielles de pins succèdent des forêts primaires.

Dans cette région d’Ouganda, on ne peut pas se lasser de contempler les paysages. Ils sont beaux et variés. Dans les plaines, des bœufs à grosses cornes nous indiquent que l’Ouganda est aussi un pays d’élevage. Nous traversons Mbarara, Kabale pour aller droit sur Kissoro. Là s’arrête la voie bitumée. En continuant tout droit, nous pouvons nous rendre au Rwanda dont la frontière est à quelques kilomètres seulement. Nous bifurquons à droite pour emprunter une piste. Commence alors la montée en altitude.

La piste est latéritique. Pour que deux véhicules se croisent, il faut la plus grande attention. Car elle est obligée d’épouser les contours des flancs de la montagne et n’arrête pas de serpenter. La moindre sortie de route vous envoie dans un précipice dont la profondeur est en fonction de votre niveau d’altitude qui va jusqu’à plus de 2.000 mètres. Le croisement est donc millimétré. Difficile de ne pas avoir quelques frayeurs, de temps en temps, quand le véhicule peine à monter la pente raide ou qu’il fait un croisement et qu’on regarde au fond du précipice. Nous marquons deux escales pour admirer des lacs volcaniques. Enfin, à la tombée de la nuit, nous arrivons au bord du lac Buyonyi, au Safari Lodge.

7 décembre.  Les autorisations de visite des gorilles de montagne en Ouganda sont distribuées avec parcimonie. Nous nous divisons en deux groupes. Il est fait obligation de visiter les gorilles par groupe de huit personnes, pas plus. Il faut monter et monter encore plus haut que là où nous sommes au bord du lac. De là, notre véhicule peine à monter la pente. Nous sommes obligés de prêter main forte au chauffeur en la poussant en avant sur un sol trempé par une pluie qui l’a rendu boueux afin qu’il retrouve l’unique voie passante. C’est fait. Plus loin, le chauffeur doit faire une délicate manœuvre pour prendre une nouvelle pente très raide. Le moindre faux pas lui est interdit sur cette piste où il est difficile de faire demi-tour.
Assis derrière, nous regardons avec inquiétude la manœuvre. D’autant plus que l’arrière du véhicule donne directement au précipice de 2000 mètres de fond. A quelques centimètres de la marge du gouffre, il freine avec vigueur pour pouvoir prendre son élan et monter en vitesse. Manœuvre compliquée, hasardeuse mais réussie tout de même, à notre grand soulagement. Au bout de quelques minutes au cours desquelles nous roulons à flancs de montagnes sur une piste dégradée, nous arrivons au poste forestier de Nkuringo.

Les Rangers nous accueillent et nous remplissons les formalités d’usage : cela se fait comme si vous entrez dans un autre pays avec votre passeport. Il s’ensuit un briefing sur la conduite à tenir au cours de la visite et la gestion des ordures sur le site. Après cela, commence l’épreuve tant attendue et la plus redoutée : la marche. Accompagnés de deux rangers dont l’un est armé de Kalachnikov, nous commençons notre marche. 
Il faut descendre une pente raide et se faisant aider parfois de son arrière, marcher et marcher encore à l’aide de bâtons à travers une forêt primaire pour avoir le privilège d’un rendez-vous avec les gorilles de montagne de la forêt primaire de Bwindi. Les rangers ougandais sont très professionnels et veillent attentivement à la sécurité de leurs clients. Ils aident aussi ceux qui ont du mal à avancer. La visite d’une heure vaut tout de même 300.000 francs CFA (500 euros). Et rien n’est garanti qu’à chaque sortie, l’on voit les gorilles de montagne en question. D’ailleurs, les Rangers préviennent les visiteurs d’avance. Même si généralement, ils les pistent avant la visite pour localiser leur présence éventuelle, c’est le terrain qui commande.
Avant d’arriver au cœur de la forêt primaire, nous nous arrêtons deux fois de suite pour laisser reposer nos jambes qui flageolent. Une fois à l’intérieur, le bonheur de rencontrer des gorilles de montagne nous fait aussitôt oublier que nous avons souffert le martyre il y a quelques instants. En partant du Safari Lodge, je ne prévois qu’un grand zoom à mon appareil photographique pour ne pas rater ces instants magiques. Mais je me suis trompé. Car j’ai les gorilles à moins d’un mètre de moi et mon grand zoom devient un obstacle à bien cadrer mes photos de près.

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Le spectacle est tout simplement impressionnant et quasi irréel. Des bébés gorilles jouent dans le feuillage et sautent de branche en branche, sans se soucier de notre présence. Un gros mâle dominant couché sur le dos, a les yeux perdus dans le vide tout comme s’il cogite. Je l’appelle le philosophe. De temps en temps, il porte une main à son menton, donnant ainsi l’impression d’avoir trop de soucis. Je me fais prendre en photo à moins d’un mètre de lui, avec sa tête en arrière-plan. A quelques pas de là, c’est une femelle qui s’occupe de ses petits et les débarrasse de poux ou  autres insectes. Le gros mâle dominant ne cesse de changer de postures les unes aussi humaines que les autres. Nous sommes en face de deux groupes de gorilles de montagne. Au bout d’un certain temps, l’un s’éloigne. Les petits gorilles de l’autre groupe vont jouer avec le mâle dominant. Nous restons là, abasourdis devant ce spectacle dont ils nous gratifient. Au bout d’une heure pendant laquelle nos appareils photo crépitent sans cesse, nous sommes contraints par les Rangers de partir, contre notre gré.

Comme leur nom l’indique, les gorilles de montagne diffèrent de leurs cousins des plaines de ce qu’ils vivent à des altitudes élevées où les températures peuvent parfois baisser au-dessous de zéro. Ils se sont ainsi adaptés à ces conditions climatiques. Leurs poils sont long et les mâles dont deux fois gros que les femelles à l’âge adulte. Du reste, on peut aussi remarquer un pelage gris ou argenté sur le dos des mâles qui ont atteint la maturité sexuelle. Ils peuvent mesurer entre 1,50 et 1,80 mètre lorsqu’ils sont debout et peser entre 200 et 230 Kg. Les femelles disposent du même cycle menstruel que les femmes chez les humains. Leur durée de gestation est de huit mois et demi et elles commencent l’ovulation à partir de sept ou huit ans pour mettre bas entre dix ou douze ans. Quand on observe ces gorilles, on ne peut qu’être frappé par l’étrange ressemblance comportementale qu’ils ont avec nous.

Nous quittons l’épaisse forêt de Bwindi et ses gorilles de montagne pour reprendre notre marche encore plus pénible par la fatigue de l’allée. Mais enfin, nous pouvons dire en revenant au poste forestier que nous avons vu les fameux gorilles de montagne. Passé le protocole de la signature du livre d’or et de la délivrance de nos certificats de visite aux gorilles de montagne, nous rentrons au Safari Lodge, tout exténués.
En échangeant avec notre second groupe qui est plutôt allé voir ces gorilles sur un autre site fait de marais, nous nous rendons compte que nous avons eu plus de chance. Nous les avons en effet admirés de plus près. Nos photos en témoignent.

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8 décembre.  Nous quittons tôt le matin le Safari Lodge à destination de Queen Elizabeth National Park.  Nous mettons toute une journée à couvrir la distance. A l’entrée du parc, nous tombons sur des antilopes. En regagnant notre lieu d’hébergement, la surprise de la soirée est la découverte d’une femelle léopard avec son petit. Nous nous arrêtons, et prenons le temps de l’observer jusqu’au moment où elle se décide de partir, trainant avec grâce et nonchalance son corps.

9 décembre.  A 7 heures, la visite commence par l’observation des oiseaux. Je ne m’y connais pas. Je découvre tout de même que c’est aussi passionnant de les observer avec des jumelles, de les identifier et d’en tenir un répertoire. Le groupe de passionnés d’ornithologie me communique sa passion. Et c’est parti.

Nous découvrons au fur et à mesure de notre progression sur les pistes du parc, divers oiseaux aux noms parfois barbares avant de tomber sur ce qui constitue mon principal centre d’intérêt : la faune sauvage. Tour à tour, apparaissent à nos yeux des phacochères, des buffles, des antilopes et des éléphants. J’ai même le privilège de voir et de photographier pour la première fois un éléphant en train d’uriner. Et la musique n’est pas triste.
Dans l’après-midi, nous partons pour une croisière sur le Lac George. Les berges du lac sont un excellent poste d’observation. Des buffles côtoient des éléphants, des crocodiles, des hippopotames, des oiseaux et même des hommes. On a l’impression qu’ici, tout le monde vit en bonne intelligence. Il est à noter une importante présence d’hippopotames dans le lac. Lesquels n’hésitent pas à entrer dans les maisons du village environnant ou arriver aux alentours de notre Lodge. Nous avons par ailleurs la chance de voir deux lionnes en retrait dans la forêt qui bordent le lac. Notre ballade s’arrête à la limite des eaux territoriales de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo. Puis, nous rebroussons chemin pour mettre pied à terre et rejoindre notre Lodge du Queen Elizabeth National Park.

10 décembre.  Nous partons de Queen Elizabeth National Park et retraversons l’Equateur pour aller à Kibale National Park. Voyager à l’intérieur de l’Ouganda, à travers des pistes qui traversent de petites localités et villages, de vastes étendues de champs de bananiers ou de thé, des forêts primaires ou artificielles, de vastes marais de papyrus est un vrai régal pour le visiteur avide de découvertes. Nous nous y enfonçons pour n’en ressortir presque, à Kibale, à la tombée de la nuit.

11 décembre.  Le matin, nous quittons le Centre des visiteurs pour le poste forestier de Kibale. Là encore, nous remplissons les mêmes formalités comme à NKuringo avant d’aller voir les chimpanzés de Kibale Forest National Park. Divisés toujours en deux groupes, nous partons à la recherche des chimpanzés avec deux Rangers à nos côtés. Une recherche qui est plus compliquée que celle des gorilles de montagne, en raison de l’humidité du sol, de la présence de fourmis agressives et de la mobilité permanente des chimpanzés. Néanmoins, nous finissons par trouver un. Un vieux chimpanzé borgne. Puis le second groupe nous appelle pour nous dire qu’ils sont avec un groupe. Et nous allons les rejoindre. Le temps de l’observation nous prend toute la matinée.

L’après-midi, nous repartons cette fois-ci en quête des singes noirs et des oiseaux aux alentours d’un village non loin de la forêt. Cette randonnée est moins pénible que toutes les autres et nous permet de voir les petits singes noirs.

12 décembre.  En route pour le Lake Mburu National Park, nous tombons en panne à dans une petite localité avant Ishongo. Après avoir remplacé le pneu défaillant par le pneu de secours, nous poursuivons notre route. A Kamwenge, nous collons la chambre à air qu pneu qui a crevé avant de continuer. Malheureusement, c’est carrément une panne qui immobilise le véhicule du second groupe et nous contraint à une longue attente. Les tentatives de le faire redémarrer restent vaines.

En fin de compte, nous choisissons d’avancer jusqu’au prochain grand centre, Mbarara, pour chercher un mécanicien et le conduire jusqu’à l’endroit où le véhicule du second groupe est en panne entre Ishongo et Kasozi. En attendant le retour de notre chauffeur qui est retourné à l’endroit avec un mécanicien, nous attablons au bord de la route principale devant un petit bar. Nous commandons des bières. Le propriétaire, un alcoolique d’une soixantaine d’années, est un personnage haut en couleur. Dès qu’il sait que mes compagnons sont des Français, il n’arrête pas de nous parler de paris, de ses souvenirs, etc. Quand il se tourne vers moi, c’est pour appeler le nom de Samuel Eto’o, tout comme si je viens du Cameroun. A l’arrivée des deux véhicules, il est déjà très tard pour poursuivre le voyage jusqu’à Lake Mburo. La nuit nous surprend à Mbarara, et nous force à y passer la nuit. Contre mauvaise fortune, nous faisons bon cœur.

Epuisés par notre journée d’infortune, nous cherchons à nous reposer au premier hôtel. Le seul grand hôtel de Mbarara est celui du maire de la ville. Nous prenons donc nos quartiers là, vers 22 heures. Il est tenu par son épouse et l’un de ses fils.

Malgré l’heure fort avancée, nous parvenons à dîner. Comme je parle couramment anglais et que je suis le seul Noir de l’équipe, avec le maire de Mbarara, nous sympathisons. Au lieu d’aller me reposer, je l’invite à boire une bière et engage la conversion avec lui sur la situation politique du pays. Il me confie qu’il n’est pas personnellement favorable à une réélection du président Yoweri Museveni après tant d’années au pouvoir, mais se dit qu’en face de lui les prétendants sont encore pires. Il vaut donc mieux Yoweri Museveni pour le moment. Sur l’Afrique, je découvre alors aussitôt que nous avons les mêmes convictions. Ingénieur agronome de formation, il a choisi de se mettre à son propre compte plutôt que d’être fonctionnaire dans l’administration. Outre son hôtel, il possède une ferme et fait aussi de l’élevage. Ce qui est bien mieux pour gagner sa vie et s’épanouir que de s’accrocher à une fonction dans une administration où l’on finit par se scléroser et tomber dans les travers de la corruption.

Mbarara est la ville du président Paul Kagamé du Rwanda. C’est d’Ouganda qu’est parti le Front patriotique du Rwanda (FPR) qui allait plus tard renverser le régime du président Juvénal Habyarimana. Le maire de la ville m’apprend qu’ils ont fréquenté ensemble avec Paul Kagamé dans cette ville. En effet, c’est ici que les parents de Paul Kagamé se sont installés alors qu’il avait 4 ans, suite aux persécutions contre les Tutsi à l’époque de la révolution de 1959. Nous passons le plus clair de la nuit à parler de politique africaine et à échanger nos points de vue sur les voies possibles de développement de l’Afrique. Non sans évoquer notre admiration commune, parmi les dirigeants africains, pour feu le président Thomas Sankara du Burkina Faso. L’espoir assassiné de l’Afrique.

13 décembre.  De Mbarara, nous nous rendons à Lake Mburo National Park. Ici comme un peu partout les papyrus règnent en maîtres au bord du lac. Les animaux viennent jusqu’au Lodge. Et il faut être prudent quand on se hasarde à pied. Les animaux n’hésitent pas à rendre visite à leurs visiteurs, surtout les phacochères et les babouins, qui viennent quasiment jusqu’à vos pieds.

14 décembre.  Comme d’habitude, tôt le matin, nous partons en safari. Une multitude de singes blancs nous offrent un spectacle délirant de comédie dans les arbres. C’est à Lake Mburo que nous découvrons des Zèbres.  C’est aussi là que nous tombons sur des élans, des impalas ou encore l’oiseau qui est le symbole de l’Ouganda et que l’on retrouve sur le drapeau du pays : la grue couronnée.

De Lake Mburo National Park, nous entamons notre retour vers Entebbe. Comme à l’aller, nous nous arrêtons à Massaka pour la nuit. 

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15 décembre.  De Masaka, nous prenons la route pour Mabamba Bay Wetland System Ramsar Site.  Le site n’est pas loin du Lac Victoria et par conséquent d’Entebbe. Comme l’Ouganda en regorge, c’est une vaste étendue de marais qui renferme beaucoup d’oiseaux. Pour la visite, les riverains du marais disposent de pirogues traditionnelles. Il faut slalomer entre des papyrus et surfer sur des nénuphars pour aller à la rencontre des oiseaux de diverses espèces. Dans ce marais se trouve l’un des oiseaux les plus rares : le balaeniceps rex  ou Abu-Markub (père du soulier en arabe) ou encore plus communément : le bec en sabot du Nil. Il est l’unique espèce du genre. Il faut avoir de la chance pour le voir. Tous les spécialistes reconnaissent que c’est un oiseau difficile à observer dans son milieu naturel.

A mesure que nous naviguons sur les eaux calmes de ces marais, l’un de nos guides nous montre une forme diffuse d’oiseau au loin. Si on aperçoit la forme vague, on n’est cependant pas convaincu qu’il s’agit d’un oiseau a fortiori le fameux bec en sabot. Lentement et calmement, notre pirogue glisse sur l’eau, avance et la forme de l’oiseau se dessine progressivement. A une centaine de mètres, il n’y a plus de doute. C’est bel et bien le bec en sabot. Nous nous arrêtons pour ne pas le faire fuir.

Cet oiseau impressionne par son impassibilité. Il ne bouge pas quand il adopte une position. Et il peut la garder pendant plus de 30 minutes.  Comme une statuette. Alors que nous l’observons, nous le voyons plonger son gros bec dans l’eau et en retirer un poisson. Il n’en faut pas longtemps pour qu’il disparaisse dans son bec. Puis, il reprend une autre position. Nous passons environ une heure à l’admirer. Soudain, il lève les ailles, et nous comprenons qu’il va s’envoler. Effectivement, en l’espace que quelques minutes, on le voit s’élever dans le ciel. Qu’est-ce qu’il est beau son envol !
Le bec en sabot n’est pas en revanche un bel oiseau, loin s’en faut. Il a aussi l’air bien triste contrairement aux autres oiseaux. Mais il fait courir beaucoup de visiteurs. Car il est rare et protégé aussi. D’après Birdlife, il n’y en avait qu’entre 5000 et 8000 espèces seulement au monde en 2002. Sur le chemin du retour, nous croisons des pirogues avec d’autres touristes occidentaux qui l’observent là où il est venu se poser après s’être envolé de l’endroit où nous étions.

17 décembre.  Avant de quitter l’Ouganda,  je décide d’aller découvrir la source du Nil à Jinja. Il faut partir d’Entebbe, passer par Kampala avant de prendre la direction de Jinja. Sur le chemin, la végétation luxuriante montre que le pays a encore beaucoup de forêts et ne ménage aucun effort pour les protéger. Outre des plantations de thé, je vois pour la première fois d’immenses champs de canne à sucre. 

Parvenu à l’entrée de la ville, on passe par le pont de Jinja qui fait corps avec le barrage sous haute surveillance. Je visite d’abord les chutes de Bujagali en aval de la source du Nil. On ne peut pas ne pas s’émerveiller devant ce grondement continu de l’eau qui rend le site si agréable et reposant. Alentours, une armée de chauves-souris qui a envahi les feuillages s’envolent et se posent après avoir fait des pirouettes. Les chutes de Bujagali sont un endroit agréable et reposant. 

De là, je rejoins l’endroit que John Hanning Speke a été le premier à identifier comme la source du Nil sur le lac Victoria. Une inscription précise:  This area marks the place from where the Nile starts its log journey to the Mediteranean sea through central and northern Uganda, Sudan and Egypt. De la rive Est où je suis,  je vois l’obélisque en mémoire de John Speke à l’endroit même où il est resté sur la rive Ouest en 1862 pour contempler ce qu’il a nommé Rippon Falls, du nom du président de la Société royale de géographie à Londres. Les Ougandais l’appellent, en langue locale, Omugga Kiyira.

Par Marcus Boni Teiga

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