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AFRIQUE DE L’OUEST/HISTOIRE – BURKINA FASO: Quand le rempart de tout temps contre le Jihadisme tangue…

La cité historique de Oualata
La cité historique de Oualata

Le phénomène du terrorisme Jihadiste qui frappe de plein fouet notamment le Burkina Faso n’est pas nouveau en soi si l’on se réfère à l’Histoire de l’Afrique de l’Ouest précoloniale. Mais à la différence des groupes terroristes qui sévissent aujourd’hui, le Jihadisme était mené au nom de l’Etat ou de l’Empire. Et le Burkina Faso, en particulier le Sud-Est du pays, résista à tous les assauts de ses voisins. Au point de faire de ce qui allait devenir le Burkina Faso un véritable rempart contre le Jihadisme en Afrique de l’Ouest.

L’Islam est entré en Afrique de l’Ouest par le Mali actuel. Ironie du sort, c’est ce même pays qui en souffre de façon atroce. Il est actuellement sous les attaques répétées de différents groupes terroristes qui se revendiquent d’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), de l’Etat islamique, de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM) et tutti quanti. Lesquels s’évertuent à étendre leurs territoires bien au-delà de cette base arrière à toute la côte ouest-africaine.

C’est entre le VIIe siècle et le XIIIe siècle, l’Empire du Ghana a connu sa période la plus faste et la plus glorieuse. Plusieurs chroniques arabes, notamment celles de l'historien et géographe arabe Al-Yaqubi en parlent déjà au IXe siècle, bien avant les Tarikh es-Soudân et les du Tarikh el-fettâch. C’est sous la conduite de Berbères convertis à l’Islam que l’Empire du Ghana va subir les premiers coups de boutoir. En 1054, au motif que les Berbères qui avaient avancé leurs pions jusqu’aux aux confins des Royaumes des Noirs d’Afrique de l’Ouest et fait d’Aoudaghost leur capitale payaient tribut à l’Empereur du Ghana, Abdallah ben Yassine et ses hommes l’attaquent et la pillent. Une longue période d’instabilité s’ensuit, opposant les différentes factions aux services des Almoravides les unes contre les autres d’une part et contre les Noirs de ces régions d’autre part. Ainsi furent vaincus les Soninké qui durent se convertir pour ensuite devenir les meilleurs agents propagateurs de l’Islam.

Il est de notoriété publique que les Soninké et les Peul furent les premiers peuples d’Afrique de l’Ouest à se convertir à l’Islam. Et ils vont par la suite largement contribuer à le répandre par le commerce principalement pour les Soninké et par le Jihad pour les Peul. Cela ne veut nullement signifier que les Soninké, à travers l’Empire du Ghana, n’ont pas moins participé à des expéditions à des fins de prosélytisme plutôt qu’à l’expansion dans le Wangara.

L’influence de l’Islam sur l’Empire du Ghana réduit progressivement la souveraineté des Rois ou Empereurs locaux, en les mettant sous tutelle pratiquement de souverains étrangers. Entre la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle, il finit par ne rester que la portion congrue, à savoir le Manden. L’Empire de Soundiata Keita n’est plus que l’ombre de lui-même et en 1433, la Cité historique de Tombouctou va tomber entre les mains des Touareg. Les élites musulmanes ne se font pas prier pour se rallier aux nouveaux dirigeants au prix d’effroyables massacres dirigés contre les Songhai.

Mais en 1468, Sonni Ali Ber, un Songhai réussit à s’emparer de Tombouctou avec ses hommes en s’arc-boutant sur sa région de Gao. Il rétablit à la fois l’honneur de son peuple et le débarrasse du joug étranger. Mieux, il écrit sa propre légende en prenant le contrôle de la très lucrative route commerciale qui relie l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique du Nord à travers le désert. La religion de ses sujets et des commerçants étrangers semblent préoccuper peu ou prou le nouvel homme fort de l’Empire.

Celui que les auteurs arabes ont surnommé le « Chî », lui reconnaisse un mérite indéniable de grand stratège. Dans le Ta’rîkh al-Fattash, on peut lire : « Il fut toujours victorieux et saccagea tous les pays sur lesquels il avait jeté son dévolu. Aucune de ses armées, lui présent, ne fut mise en déroute : toujours vainqueur, jamais vaincu. Il ne laissa aucune région, aucune ville, aucun village sans l’attaquer à la tête de sa cavalerie, guerroyant contre les habitants et ravageant leur territoire ». Par contre, beaucoup de ces chroniques arabes du XVIIe siècle traitent Sonni Ali Ber de tous les noms :« maudit », « débauché », « méchant », « libertin », « injuste », « sanguinaire »...

Ta’rîkh al-Sûdân : « Le tyran, le libertin, s’empressa de faire périr ou d’humilier tous les savants qui étaient restés à Tombouctou. Il donna pour prétexte qu’ils étaient les amis des Touareg, leurs courtisans, et que c’était pour cela qu’il était irrité contre eux ».

Ta’rîkh al-Fat- tash : « Le Chî Ali fut un roi tyrannique, d’une telle dureté de cœur qu’il lui arrivait de faire jeter un enfant dans un mortier et d’obliger la mère à le piler, celle-ci devant piler son enfant alors qu’il était encore vivant ; la chair en était ensuite donnée à manger aux chevaux ».

Les témoignages des auteurs des Ta’rîkh al-Sûdân, Ta’rîkh al-Fattash et Ta’rîkh al-Fat- tash comportent, sans aucun doute, une grande part d’exagération et voire de propagande dans l’unique but de ternir la mémoire de celui qui restaura l’honneur perdu des Noirs. N’empêche, il faut croire que Sonni Ali Ber n’était pas du tout un tendre. D’autant plus que des sources orales africaines, transmises de génération en génération par des peuples noirs et voisins, soulignent l’esprit de vengeance de l’Empereur des Songhai.

Sonni Ali Ber, le fondateur de l’Empire Songhai, usa de syncrétisme pour arriver au pouvoir, à la fois en sacrifiant à des pratiques animistes et en observant ses cinq prières musulmanes au quotidien. Il changea toutefois d’attitude et de tactique au fil de son règne et se mit à alimenter les mosquées de Gao avec ses dons divers. Le souverain dont le peuple pratiquait auparavant un islam mélangeant les traditions ancestrales et les préceptes du Coran plus connu en Afrique Noire sous le nom d’« islam tolérant », évolua peu à peu vers plus de rigorisme. Probablement sous les pressions commerciales de ses partenaires du monde arabe, il finit par reprendre le flambeau du prosélytisme à travers ses conquêtes. Même si l’Histoire reconnaît que c’est surtout avec son successeur et usurpateur au détriment de son fils Sonni Baro, c’est-à-dire l’Empereur Askia Mohamed et fondateur de la dynastie des Askia, que l’Empire de Gao connut les pires heures d’un islam intransigeant et à caractère salafiste.

L'armée des Songhai attaquaient les peuples du Sud-Est du Burkina, à la fois pour les islamiser, mais aussi parce que leurs Ancêtres avaient fait une incursion mémorable au Mali entre le XIIe et le XIIIe siècle pour voler au secours des ancêtres des Dogons notamment. Une expédition au cours de laquelle ils mirent à sac certaines cités, en l’occurrence Tombouctou. Et tous les rois qui accédèrent par la suite au pouvoir avaient toujours à l’esprit de venger leurs ancêtres ainsi qu’il était de tradition en ces temps-là.
 
Il est un fait établi, même dans les récits qui se racontent de génération en génération, que ce sont sous les effets des attaques incessantes des Rois venus du Mali que nombre de peuples maintenant établis au Nord-ouest du Bénin furent contraints à traverser le fleuve Pendjari. En laissant même certains des leurs encore sur place notamment à Fada N’Gourma. En raison des nombreuses tentatives de conquête de la région et les conflits dont elle fut le théâtre, C’est Soni Ali Ber, le dernier Roi originaire du Mali ancien à attaquer Fada N’Gourma. Roi conquérant, il mourut d’ailleurs en rentrant de sa dernière expédition en 1492. Les manuscrits de Tombouctou attestent de cette expédition et les auteurs arabes Ibn Khaldun et Al Omari dans leur compte-rendu des événements de son règne. 

Cela fait donc bien des siècles que le Burkina Faso se bat au nom de ce que l’on appelle dans le monde moderne la Laïcité. A savoir le droit pour tout individu de choisir les principes spirituels ou religieux qui devraient guider sa vie. A Commencer par leurs Ancêtres quand, au gré des Rois ou Empereurs qui émergeaient dans les Etats voisins, ils étaient obligés de résister en livrant des batailles contre des tentatives forcées de conversion à l’Islam. 

Si, au fil des siècles passés, l’Islam a réussi à se propager en Afrique de l’Ouest notamment grâce à sa diffusion par des commerçants originaires du Mali dans l’Etat du Ghana actuel, il l’a surtout été par les relations commerciales et non par le fait du Jihadisme. Les peuples du Burkina Faso dans leur ensemble, au-delà du Sud-Est, ayant toujours été farouchement hostiles au prosélytisme.

Aussi paradoxal que cela soit, ceux qui se sont toujours fait les chantres du rigorisme et de l’intolérance dans toute religion sont le plus souvent les plus ignorants en la matière. Et les pires, dans le cas d’espèce, ce sont les Noirs d’Afrique qui ont cru que les religions importées étaient supérieures à leurs religions traditionnelles ou aux voies spirituelles de leurs ancêtres, tout simplement parce que ces religions-là venaient d’ailleurs, de très loin, de lieux et de cultures dont ils ignoraient pourtant tout ou presque. Sinon, ils auraient su ou compris que l’Islam est dérivé du Christianisme, lequel est dérivé du Judaïsme et qui à son tour est dérivé de la Théologie de l’Egypte antique, elle-même dérivée de la Théologie de la Nubie antique et qui est enfin dérivée des croyances anciennes de l’Afrique Noire. Donc, en définitive, toutes ces religions-là ne sont inspirées que des religions traditionnelles de l’Afrique Noire antique, d’autant plus que les Egyptiens anciens étaient des Noirs, c’est une réalité historique établie. Nous disposons maintenant de suffisamment de preuves non seulement pour l’affirmer sans sourciller mais également pour le démontrer et inviter à la contradiction quiconque détient des informations contraires.

Par Marcus Boni Teiga

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